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exigé comptant, le surplus était payable par annuités réparties sur une période de trente-deux ans. Cet essai réussit parfaitement. Sur huit mille quatre cent trente-deux fermes comprises dans les biens ecclésiastiques, six mille cinquante-sept furent achetées par les fermiers. C’était un résultat très favorable. Les lois de 1870 et de 1881 ont donné des facilités analogues aux paysans pour acheter les terres des landlords. Pourquoi n’ont-elles pas aussi bien réussi, à ce point de vue ? Par une raison fort simple. Les paysans savaient qu’ils ne pourraient avoir les biens ecclésiastiques qu’en les payant : ils les ont achetés. Ils espèrent, au contraire, qu’ils auront les biens des landlords sans les payer ; ils se gardent bien de les acheter. La première partie des deux lois de 1870 et de 1881 a fait tort à la seconde partie et l’a frappée de stérilité. Vous donnez au fermier une sorte de copropriété. Il espère que vous ne vous arrêterez pas là et que vous finirez par lui donner la propriété complète. Dès lors, pourquoi voulez-vous qu’il achète à prix d’argent ce qu’il compte obtenir gratuitement, ce que les agitateurs lui ont promis, et ce que vous-mêmes lui avez à moitié accordé ?


III

Les chefs du parti agraire ne se tinrent pas pour satisfaits de ces énormes concessions. Ils combattirent toutes les dispositions de la nouvelle loi qui avaient pour but de maintenir quelques garanties en faveur du paiement des fermages. La loi votée, ils protestèrent contre son application. Cependant, après avoir d’abord conseillé aux fermiers de ne pas se présenter devant les commissions chargées de fixer le prix des fermages, ils changèrent de tactique et les engagèrent à user au contraire, sur ce point, du bénéfice de la loi. En effet, c’était une disposition essentiellement favorable aux fermiers et ils auraient été fous de n’en pas profiter. Nous avons sous les yeux le relevé officiel des fermages fixés par les commissions dans les différentes parties de l’Irlande en vertu de la loi de 1881 jusqu’au 28 janvier dernier. Dans quelques cas très exceptionnels, le fermage fixé par le propriétaire est maintenu ou même légèrement augmenté ; dans la grande majorité des cas, ce fermage subit une réduction extrêmement importante. Dans le comté de Mayo, la réduction est, en moyenne, de près de 30 pour 100 ; dans les comtés de Leitrim et de Roscommon, elle est de 27 pour 100 ; dans les comtés de Donegal et de Londonderry, de 26 pour 100. Le comté de Kilkenny est le seul où elle descende au-dessous de 20 pour 100. En moyenne, dans l’ensemble de l’Irlande, elle n’est pas inférieure à 25 pour 100. On peut donc dire d’une manière générale que le revenu