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décisif ? Il n’a pas réussi et il ne pouvait peut-être pas réussir parce qu’il n’inspirait pas assez de confiance à un gouvernement sérieux appelé à traiter avec lui, parce qu’il s’était arrangé pour n’offrir aucune garantie de durée par sa situation, par son ministère, par sa politique intérieure. Malheureusement, c’est là ce qu’on semble ne pas comprendre. On ne veut pas voir qu’il n’y a aucun moyen de suivre un dessein de politique extérieure, d’entrer dans des alliances, de servir utilement les intérêts de la France dans le monde, tant qu’on n’aura pas une autre politique intérieure, tant qu’il n’y aura que des ministères réduits à se faire les complices des passions de secte, à subir toutes les propositions désorganisatrices, à compter heure par heure avec les tyrannies vulgaires des partis sans réussir toujours à les satisfaire. M. Gambetta a échoué dans ses tactiques ; il a joué son ascendant, il l’a perdu pour longtemps peut-être, et le ministère qui lui a succédé a eu beau louvoyer, faire des concessions aux uns, essayer de rassurer les autres, flatter le radicalisme lui-même dans ses espérances ou tenter de rallier les modérés, il n’a pas été plus heureux ; il n’est arrivé en fin de compte qu’à expier aujourd’hui les indécisions de politique extérieure par l’impuissance dont il a offert le triste spectacle et les concessions de politique intérieure par cette première échauffourée qui a éclaté pour ainsi dire sous ses pas il y a quelques jours à propos de la mairie centrale de Paris, qui a été le prélude de sa chute définitive. C’est ce qui s’appelle avoir à payer à la fois toutes les dettes de ses faiblesses ou de ses connivences à l’intérieur comme à l’extérieur.

Cet incident de la mairie centrale de Paris, qui est venu se mêler d’une manière si imprévue, si bizarre à des débats entrecoupés sur l’Egypte, est bien, certes, tout ce qu’il y a de plus curieux comme expression des ambiguïtés d’une situation, d’une politique. Lorsque le ministère se formait, il y a six mois, sous la présidence de M. de Freycinet, il croyait bien habile de rechercher des appuis un peu de tous les côtés, de se ménager des intelligences jusque dans les camps les plus extrêmes, en se flattant toujours néanmoins de garder une certaine apparence de modération. Il laissait passer toutes les prises en considération sous prétexte qu’il pouvait y avoir à examinera discuter, et, en réalité, pour n’avoir pas à se prononcer sur les questions les plus graves ou les plus délicates. Il faisait comme tous les pouvoirs faibles, qui, pour s’épargner un embarras du moment, accumulent les difficultés pour l’avenir. Le chef du cabinet accueillait tout, acceptait tout dans le parlement et hors du parlement. Il ne dédaignait pas d’entrer en pourparlers avec les délégués du conseil municipal de Paris, impatiens de conquérir cette institution d’une mairie centrale dans laquelle ils voyaient le couronnement de leurs ambitions, la sanction de leur indépendance, de l’autonomie parisienne. Le chef du