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cette contrée inconnue, sur les peuples divers qui s’en étaient partagé la surface, des renseignemens infiniment moins vagues que le résumé succinct emprunté à la relation de Scylax ; je serais presque tenté de dire que les documens rapportés de Crimée par le savant auteur du Tableau physique et topographique de la Tauride. L’Inde septentrionale était habitable et fertile ; elle l’était surtout dans sa partie montagneuse ; l’Inde méridionale, au contraire, dévorée des ardeurs du soleil, n’offrait qu’un sol desséché et aride, ou des plaines submergées par les débordemens périodiques des fleuves. Cette diversité de climat avait réagi sur l’espèce humaine : l’Indien du Midi ressemblait aux Éthiopiens par la couleur de la peau ; l’habitant du Nord rappelait le type égyptien. C’était surtout ce dernier que les Macédoniens avaient intérêt à connaître, car l’Inde septentrionale a toujours été la région dont l’occupation s’est, dès le début, imposée forcément à la conquête. Les Arabes seuls, venus des bords du Golfe-Persique, ont pu, en l’année 711 de notre ère, procéder autrement. Je laisse avec intention de côté les nations modernes.

Ces Indiens du nord, les soldats de Taxile et ceux d’Abisarès les avaient déjà montrés, alliés ou ennemis, aux soldats d’Alexandre. De haute stature, le corps grêle, ils se faisaient avant tout remarquer par une agilité merveilleuse. Les fantassins étaient armés d’un arc et d’une épée ; l’arc, à peu près semblable à celui des Carduques, aussi haut que la taille d’un homme, lançait des flèches de plus d’un mètre de longueur. Pour le bander, il fallait l’appuyer à terre, poser le pied gauche sur le bois et attirer à soi la corde avec effort. On n’arrivait probablement pas avec un engin si rebelle à décocher, comme fit plus tard l’archer anglais, douze flèches à la minute, mais la tension du nerf était telle que le trait pénétrait à la fois, bouclier et cuirasse, ou toute autre espèce d’armure. L’épée, large, longue aussi d’un mètre, se maniait, à la façon de l’espadon moderne, des deux mains. Pour arme défensive, le fantassin tenait de la main gauche un bouclier oblong de cuir vert qui lui couvrait presque tout le corps. Ce n’était peut-être pas là une infanterie qui fût de taille à se mesurer avec la redoutable phalange ; elle n’était inférieure pour l’armement ni aux Agriens ni aux peltastes. Les cavaliers, armés de deux javelots et d’un bouclier moins vaste que celui des hommes de pied, auraient rencontré avec plus de désavantage la grosse cavalerie des hétaires ; leurs chevaux n’avaient ni selles, ni mors ; on les conduisait à l’aide d’un bridon, courroie de cuir garnie de bagues d’airain ou de fer qui, au lieu d’appuyer sur les barres, agissait simplement sur les lèvres. La grande force d’une armée indienne ne résidait d’ailleurs ni dans sa cavalerie, ni dans son