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hommes, œuvre des femmes. C’est le sujet traité par Dante, Milton, Calderon, dans el Magico prodigioso et la Devocion de la Cruz, et enfin dans la légende de Faust.

Cyprien, un magicien, consacré dès l’enfance à Apollon et voué au culte des divinités de la Grèce, acquiert toutes les sciences, dans ses voyages en Phrygie, en Égypte, en Chaldée. Il connaît la vertu des plantes et les maladies, et tout ce que le serpent diapré, prince du monde, oppose aux décisions de Dieu ; il sait discerner la voix des morts au fond des sépulcres et le chant des sphères, il pénètre dans la région des métamorphoses, assiste à l’accouplement monstrueux de l’esprit de ténèbres avec les dragons, d’où naissent les passions et les crimes de la terre. Il voit face à face Satan lui-même qui l’éblouit de ses trompeuses images. À Antioche, toutes les femmes tombent victimes de ses sortilèges, hormis Justine, qu’il aime éperdument. En vain il lui envoie les démons pour la tenter, car il a fait un pacte avec le diable. Elle est sauvée grâce à la vertu du signe de croix. Vaincu à son tour par la croix, Cyprien confesse des crimes si énormes qu’il désespère de son salut. Mais le prêtre Eusèbe le console et lui rappelle l’infinie miséricorde de Dieu. De persécuteur, le magicien devient chrétien fervent ; il brûle ses livres de magie (τὰς βίϐλους τοῦ διαϐόλου). Les prêtres en procession chantent Alléluia. Sainte Justine, en signe d’allégresse, coupe ses beaux cheveux, elle fait le salut de Cyprien, son ami chaste, qui devient prédicateur, et couronne sa conversion par le martyre.

L’impératrice Eudocie mourut à Jérusalem vers l’an 460. À ses derniers momens, elle témoigna encore de son innocence et de l’injustice des soupçons qui avaient causé la mort de Paulinus. Elle mourut consolée par la foi catholique. Contre la vieillesse défaillante, l’amère solitude, le paganisme n’avait ni secours, ni consolations ; il abandonnait l’homme au jour de l’impuissance, à l’heure de l’agonie.

Telle fut la destinée d’Athénaïs : l’aimable Athénienne nous apparaît à travers ce récit comme une ombre aux traits fins et rigides, détachée d’une mosaïque byzantine. M. Gregorovius lui rend un semblant de vie par la grâce du style et la couleur des descriptions, mais les pensées qu’il prête à cette impératrice du Ve siècle sont celles d’un Allemand érudit et lettré du XIXe, qui a cherché à peindre dans une figure plus symbolique qu’historique l’antithèse d’Athènes et de Jérusalem, de l’Acropole et du saint sépulcre.


J. Bourdeau.