bien tenté de démontrer qu’il avait existé une science préhistorique, dont l’antiquité aurait recueilli les débris. Mais un examen attentif ne montre chez tous ces peuples que des pratiques empiriques exploitées par les prêtres ou les sorciers, telles qu’on les retrouve encore dans les peuplades sauvages. Chez ces populations le mouvement d’accumulation scientifique s’est arrêté tout à coup ; leur histoire fait découvrir chez elles une halte définitive. Dans la Grèce seule nous trouvons cette évolution permanente et successive qui transforme la médecine empirique en médecine scientifique. L’étude des textes anciens démontre qu’entre Homère et Hippocrate, il y eut de grandes écoles de médecine. Car ce sont des médecins qui ont fondé la médecine et non des philosophes ; ces derniers peuvent bien remuer des idées, mais, semblables aux voyageurs qui vont aux découvertes, ce ne sont pas eux qui colonisent les voies qu’ils ouvrent. Il existe une vraie médecine quand Hippocrate survient, et c’est lui qui lui donne sa méthode, la méthode d’observation : « Tout médecin, dit-il dans le traité de l’Ancienne Médecine, doit étudier la nature humaine et rechercher soigneusement quels sont les rapports de l’homme avec ses alimens, ses boissons, les climats, tout son genre de vie, et quelle influence chaque chose exerce sur chacun. » La méthode était bonne, mais, comme le fait remarquer M. Littré, les instrumens manquaient absolument pour la mettre en œuvre. Hippocrate voulait que la médecine fût fondée sur la science des milieux dans lesquels nous vivons. Cette science des milieux, c’est celle des corps organiques, c’est-à-dire l’ensemble des sciences physico-chimiques. Or la physique et la chimie n’étaient pas encore nées. On peut dire que la physique n’a vraiment été fondée que le jour où Newton a établi le principe de la gravitation universelle ; quant à la chimie, c’est Lavoisier qui l’a créée en faisant entrer te principe de la composition et de la décomposition moléculaire dans le domaine scientifique. Avant lui on avait certes fait de grandes découvertes, mais elles étaient demeurées isolées, surgissant du chaos de l’alchimie, comme les ruines de ces grands monumens qui restent seuls debout au milieu des cités anéanties. Lavoisier arriva, la balance à la main, et il constitua une chimie certaine, fondée sur une physique déjà assez puissante pour soutenir un vaste édifice[1].
Hippocrate, n’ayant aucune notion de la physique et de la chimie » ne pouvait aborder la biologie, la science générale de la vie ; il ne pouvait même pas aborder la physiologie, qui nous explique le fonctionnement normal de l’organisme chez l’être sain. Il est bien
- ↑ Voyez Littré, préface à la Physiologie de Müller.