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devant cet outrage les préceptes de la philosophie et les prescriptions du christianisme, dans le voisinage même du saint sépulcre. Ainsi l’inspiration démoniaque d’une minute venait détruire la belle harmonie d’une vie pleine de grâce et de dignité.

La fin du règne de Théodose fut assombrie par ses cruautés et les défaites de ses armées, sans que lui-même payât jamais de sa personne sur le champ de bataille. Il ne dut son salut qu’à une paix honteuse conclue avec les Huns en 447. Il mourut enfin dans sa cinquantième année d’un accident de cheval, Pulchérie fut proclamée impératrice ; trop faible pour gouverner seule dans des circonstances critiques, elle épousa Marcien, veuf, âgé de cinquante-quatre ans, rude et énergique soldat, fils d’un soldat de Thrace. Mais elle ne pouvait oublier son vœu, et le mariage fut tout platonique.

Eudocie voyait s’évanouir dans le tombeau de Théodose, l’heureux rêve de sa vie. Pour elle plus d’espoir de retour dans le palais de Constantinople. Son sort était décidé, c’était l’abandon, le solitaire exil à Jérusalem jusqu’à sa mort. Nous la trouvons passionnément mêlée aux querelles théologiques qui bouleversaient la Palestine. Marcien et Pulchérie étaient catholiques éprouvés. Après l’hérésie de Nestorius, qui faisait un Christ trop humain, avait éclaté celle d’Eulychès, qui le figurait comme trop divin, au-dessus et en dehors de l’humanité. La doctrine moyenne de l’Homme-Dieu, les deux natures réunies en une seule personne, prévalut dans l’église et devint formule canonique. Mais les monophysites, ou partisans d’une seule nature divine, se soulevèrent en Palestine. Dix mille moines et anachorètes, à moitié sauvages, conduits par un fanatique nommé Theodosius, assiégèrent Jérusalem, incendièrent les maisons, commirent des atrocités, terrorisèrent toute la contrée. Athénaïs s’était laissé détourner du catholicisme par Theodosius. Cette Athénienne si cultivée, si délicate, s’alliait à la plèbe monacale. Même après la défaite de son parti, elle demeura, monophysite obstinée, malgré les tentatives des chefs de l’église et de l’empire, de Pulchérie et du pape Léon, dont tous les efforts échouèrent devant son obstination. Il ne fallut rien moins pour la ramener à l’orthodoxie qu’un grand malheur de famille : assassinat de l’empereur Valentinien, son gendre, captivité de sa fille et de ses petites-filles, emmenées à Carthage par Genseric après le pillage de Rome. Quelques prêtres zélés lui représentèrent ces calamités comme un châtiment de son hérésie. Ébranlée, anxieuse, elle résolut de consulter le saint le plus célèbre de l’époque sur la vérité ou l’erreur des doctrines monophysites.

Ce prophète, Siméon Stylite, qui avait été gardien de troupeaux, s’était élevé à un idéal de sainteté et d’austérité : c’était comme un