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s’ajoutaient aux dons volontaires des pèlerins, au commerce de l’huile des lampes du saint sépulcre, des images du Christ et de la Vierge, œuvres de l’apôtre saint Luc ou des anges.

On vit plus tard se développer à Rome, au moyen âge, une passion non moins étrange, ignorée de la belle antiquité grecque, le désir de posséder des saints cadavres, qui devint une fureur au point qu’on falsifiait des squelettes, de même que de nos jours on falsifie le vin. Pour protéger les morts contre les marchands de reliques, qui fouillaient les tombeaux comme des hyènes, on était obligé de veiller la nuit dans les cimetières. Lorsque saint Romuald menaça de quitter l’Italie, on voulut l’assassiner afin de garder ses ossemens dans le pays, leur attribuant la venu de reliques miraculeuses.

En souvenir de ce pèlerinage à Jérusalem, qui pour les chrétiens avait l’importance d’une initiation aux mystères d’Eleusis, Athénaïs rapporta les deux chaînes avec lesquelles le cruel Hérode avait fait enchaîner l’apôtre Pierre. Elle envoya une de ces chaînes à sa fille, qui fit bâtir à Rome, pour les recevoir, la basilique de Saint-Pierre-ès-Liens, où encore aujourd’hui, après quatorze siècles, on les conserve, on les vénère.

De funestes épreuves frappèrent Athénaïs lors de son retour à Constantinople. Un nouveau personnage s’était emparé de la confiance de Théodose, l’eunuque Chrysaphius, dont la belle figure ravissait l’empereur. Cet insidieux Iago brouilla les deux belles-sœurs, et des historiens ont raconté que le motif de cette jalousie aurait été la possession du beau Paulinus, maréchal de la cour. Chrysaphius réussit à éveiller la jalousie de Théodore contre l’amant prétendu de sa femme. Une pomme, envoyée par Athénaïs au maréchal, acheva de convaincre l’empereur et Paulinus fut mis à mort, qu’il eût goûté ou non au fruit défendu. Profondément humiliée, Athénaïs, avec le consentement de l’empereur, se réfugia à Jérusalem vers 441 ou 444, non sans espoir de retour dès qu’elle aurait réussi à convaincre son mari de son innocence.

Les historiens byzantins sont très sobres de détails sur la vie d’Athénaïs dans l’exil. Ils nous ont seulement raconté une effroyable tragédie qui nous dévoile un caractère impétueux chez cette femme, que nous imaginions si calme et si douce. Eudocie avait pris pour compagnons de voyage le prêtre Sévère et le diacre Jean. Théodose ayant appris que ces deux clercs fréquentaient déjà sa femme à Constantinople et recevaient d’elle des cadeaux, envoya au comte Saturninus l’ordre de les égorger ; le comte s’acquitta de sa mission à Jérusalem, sous les yeux mêmes de l’impératrice. Transportée de fureur en voyant massacrer des hommes dont le seul crime était l’amitié qu’elle avait pour eux, Athénaïs tua Saturninus, oubliant