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Dieu dans les notions de morale données à l’école primaire, ont laissé passer sans protestation les déclarations les plus expresses du gouvernement sur la large part qui serait faite aux principes de religion naturelle dans la morale enseignée aux jeunes filles. Il faut se féliciter de leur acquiescement tacite et souhaiter que rien ne vienne justifier les inquiétudes qu’ont affectées, dans un sens opposé, les partis conservateurs. Il importe encore plus, dans l’éducation des filles que dans celle des garçons, que les divisions religieuses soient atténuées par un enseignement moral fondé sur des principes communs à toutes les religions. Les femmes répugnent encore plus que les hommes au pur utilitarisme comme au pur stoïcisme. Elles ont besoin, pour la morale comme pour tout le reste, d’un enseignement qui dise quelque chose à leur imagination et à leur cœur : sauf de très rares et d’ailleurs très honorables exceptions, une morale sans Dieu deviendrait aisément pour elles la négation de toute morale. Les préoccupations de la politique anticléricale n’ont pas porté bonheur à l’instruction secondaire des garçons. On compromet bien plus encore l’instruction secondaire des filles en y cherchant surtout un champ de bataille contre les couvens : la guerre au sentiment religieux lui porterait un coup mortel[1].


EMILE BEAUSSIRE.

  1. Ce travail était terminé lorsque nous avons reçu d’Allemagne un document qui peut offrir un point de comparaison intéressant avec les programmes de nos nouveaux lycées : ce sont les comptes-rendus des trois premières années d’une importante école d’enseignement secondaire pour les jeunes filles : l’École Charlotte, de Berlin. Ouverte en 1879, cette école compte déjà neuf cent soixante-neuf élèves, appartenant à toutes les communions religieuses, sans excepter le catholicisme et le judaïsme. L’instruction religieuse y garde la première place parmi les matières d’enseignement. Elle est confessionnelle suivant le culte des élèves. Le cours régulier des études comprend neuf classes. Voici un aperçu du programme de la dernière classe :
    Religion : deux heures par semaine. Histoire de l’église. — Allemand : cinq heures. Rhétorique et art du style. Lecture de poésies dramatiques. Histoire de la littérature jusqu’au XVIIe siècle. — Français : cinq heures. Lecture de classiques : Horace de Corneille ; Bataille de dames ! de Scribe ; au Coin du feu, de Souvestre. Grammaire, syntaxe. Exercices oraux et écrits. Extemporalia. — Anglais : quatre heures. Lectures dans Dickens : le Grillon du foyer, Contes de Noël. Exercices pratiques. Extemporalia. — Italien : deux heures. Grammaire. Lectures. Exercices. — Histoire : trois heures. Histoire moderne depuis la réforme. Révision de l’histoire du moyen âge* Une. heure d’histoire grecque dans ses rapports avec l’histoire de la civilisation. — Géographie : une heure. Cosmographie. — Sciences physiques et naturelles : deux heures. — Calcul : deux heures. Exercices pratiques. Applications aux usages domestiques. Principes de géométrie. — Dessin : deux heures. — Chant : deux heures. — Travaux manuels : deux heures. — Gymnastique : deux heures.