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classes, des études entièrement communes et on n’introduisit, à partir de la troisième, sous les noms de section des lettres et de section des sciences, qu’une séparation partielle. Il était aisé de prévoir les résultats d’une telle organisation. La section des lettres garda les meilleurs élèves des classes de grammaire, qui s’y trouvaient mieux préparés par leurs études antérieures. La section des sciences n’eut en général que le rebut ; elle fut recherchée moins par amour des sciences que par dégoût du grec et du latin. Les classes communes furent encombrées de non-valeurs : les élèves des sciences devenaient de plus en plus incapables de les suivre et, par les soins particuliers qu’ils demandaient, nuisaient au travail de leurs camarades de la section littéraire. Enfin, ce qui acheva de tout gâter, c’est qu’on avait prétendu assigner à chaque section des vocations professionnelles différentes. On ne pouvait suivre telle carrière que si l’on avait passé par les lettres, telle autre que si l’on avait choisi la section des sciences. Il fallait décider de sa destinée future dès la quatrième, et si l’on se repentait plus tard de la décision prise, il fallait refaire à dix-neuf ou vingt ans les études auxquelles on avait renoncé à treize ou quatorze. C’est par là surtout que la bifurcation, déjà odieuse aux professeurs, devint insupportable aux familles. Elle succomba devant un mécontentement général, mais sa disparition ne fit que rendre plus sensible le mal auquel elle avait appliqué un impuissant remède.

L’enseignement secondaire spécial a recueilli les épaves de la bifurcation et les a fait entrer dans les anciennes « classes de français, » érigées ainsi en rivales de l’enseignement classique. La rivalité est mieux entendue, car elle ne comporte pas de classes communes ; mais le nouvel enseignement a été compromis dès l’origine par deux graves défauts. Le premier, très remédiable, est sa subordination à l’enseignement classique, dont il est presque partout le commensal et dont les chefs sont appelés à le diriger, sans lui porter un véritable intérêt. Le second tient à sa constitution même. Comme les deux sections du système de 1852 et dans une mesure encore plus étroite, il préjuge les vocations de ses élèves ; il les exclut des carrières qui tiennent le plus haut rang dans l’estime ou dans les préjugés de la société. Malgré tous les développemens qui lui ont été donnés dans ses programmes, il ne convient qu’aux familles qui, par sagesse ou par nécessité, s’interdisent pour leur fils une trop vaste ambition. Aussi paraît-il se mouvoir dans un cercle trop étendu pour les besoins de sa clientèle ordinaire, et bien peu de ses élèves parcourent ce cercle tout entier. Toutes les familles un peu haut placées dans le commerce, dans l’industrie, dans l’agriculture, préfèrent pour leurs fils les études classiques, non pour les pousser