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préférences au double point de vue de l’éducation et de l’instruction. Elle ne pourra y renoncer que lorsque ces familles trouveront à leur disposition, dans des conditions également bonnes, également conformes à leurs sentimens ou à leurs besoins, d’autres moyens à l’éducation.

En Allemagne, en Angleterre et dans d’autres pays, les élèves de l’enseignement secondaire que leurs familles ne peuvent pas garder à la maison sont mis en pension soit chez des professeurs, soit chez des particuliers. C’était aussi l’usage en France avant que les collèges reçussent des pensionnaires, et cet usage subsiste encore pour un certain nombre d’enfans placés chez des professeurs. Serait-il possible d’y revenir complètement ? Nous craignons que nos mœurs n’y opposent d’ici longtemps de très grands obstacles. Les familles bourgeoises en France, et c’est leur honneur, se sont fait des habitudes d’intimité qui excluent la cohabitation d’étrangers. Autrefois les employés de commerce, les clercs de notaires ou d’autres officiers ministériels trouvaient communément chez leurs patrons la table et le couvert. C’est beaucoup plus rare aujourd’hui, malgré les avantages que les uns et les autres en pourraient retirer. Assez rares aussi, je le crains, seront les professeurs qui voudront bien prendre des élèves en pension. Ceux qui le font aujourd’hui, sont tentés par l’espoir d’avantages sérieux, qui supposent un prix de pension élevé, inabordable pour la plupart des familles. Il en serait de même dans tout autre intérieur privé, à moins de descendre jusqu’à des ménages d’artisans. On n’y avait autrefois, et on n’y a encore dans d’autres pays, aucune répugnance. En France, le progrès même des idées d’égalité ; dans les institutions semble avoir mis dans les mœurs beaucoup plus de défiance pour les abus. de l’égalité dans les rapports sociaux. Des parens bien élevés ne laisseront pas volontiers leurs enfans dans un milieu grossier, et s’il leur faut se séparer d’eux, ils préféreront les internats ou les grands pensionnats, tant qu’ils en trouveront, à leur portée. Le flot se portera donc vers le collège ecclésiastique si l’internat, universitaire vient à disparaître. Rien de mieux s’il suit la pente naturelle des opinions qui dominent dans les familles ; mais, s’il y a carte forcée, nul esprit impartial ne saurait s’en applaudir.

Si l’Université ne peut renoncer à ses internats, elle ne doit avoir pour eux aucune prédilection et, suivant le conseil que lui donnent également M. Jules Simon et M. Michel Bréal, elle doit plutôt encourager les autres modes d’éducation qui peuvent également concourir au recrutement de ses élèves. Elle est déjà entrée dans cette voie. Elle a institué dans tous ses collèges des externats surveillés qui, tout en gardant pendant le jour les enfans dont les parens pourraient difficilement surveiller le travail, les rendent chaque soir à la vie de