Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 52.djvu/616

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme celle des lycées, n’y obéit qu’à des mobiles désintéressés et de l’ordre le plus élevé. Ils ont de plus des avantages incontestables. Le zèle religieux leur assure des ressources qui peuvent rivaliser avec celles du budget de l’état, et comme ils peuvent plus aisément s’écarter du centre des villes, comme d’ailleurs les traitemens qu’ils sont à payer à des maîtres, tous célibataires et vivant en commun, restent très au-dessous des traitemens, pourtant si modiques, des professeurs de l’Université, ils s’offrent aux familles, sans leur demander de grands sacrifices, dans les meilleures conditions d’hygiène, de confort et de bonne direction. Leurs avantages, au point de vue moral, ne sont pas moins grands. C’en est un certainement que l’action constante du sentiment religieux dans l’éducation. C’en est un aussi que la présence assidue des maîtres au milieu des élèves et une familiarité qui, grâce au respect de la robe, n’ôte rien à l’autorité. Déjà la confiance des familles se partage entre les collèges ecclésiastiques et les collèges de l’état : la balance pencherait de plus en plus du côté des premiers si les seconds devaient renoncer à leurs internats.

Ce n’est pas sans doute le résultat que désire M. Michel Bréal, et M. Jules Simon, plus impartial peut-être, ne le désire pas davantage. Nous n’avons, quant à nous, aucun parti-pris contre les collèges ecclésiastiques. Nous respectons en eux le libre choix des familles. Nous respectons également les intérêts d’un grand nombre d’enfans qui trouvent dans une maison religieuse le milieu le plus favorable pour la formation de leur caractère et le développement de leur esprit. Nous ne connaissons rien de plus odieux que la pression exercée depuis quelque temps sur les fonctionnaires publics pour les obliger à retirer leurs enfans de ces maisons, sans tenir compte non-seulement de leurs préférences personnelles, toujours respectables, mais des motifs intimes, souvent douloureux, auxquels ils peuvent obéir et dont ils sont les meilleurs juges. Nous ne voulons pour les collèges de l’état aucun privilège ; mais nous ne voulons également aucun privilège pour leurs plus redoutables ou plutôt leurs seuls rivaux. Or la suppression des internats publics aurait pour effet une double perte pour les collèges de l’état au profit des collèges ecclésiastiques. Ces pensionnaires, que l’Université laisserait passer sous une direction rivale, seraient pour elle des élèves absolument perdus. Sauf de rares exceptions, ils ne lui resteraient pas comme externes, à moins d’un Compelle intrare dont nous avons montré les difficultés et les. dangers, et que l’Université serait la première à repousser au nom de ses vrais intérêts comme au nom de la liberté. Ses internats lui sont donc nécessaires pour répondre à la libre confiance des familles dont elle garde les