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Invasions, famines, pestes, tremblemens de terre, incendies, combats furieux des factions du cirque, intrigues d’eunuques, émeutes de moines, se renouvelaient à Constantinople sous chaque règne. Plus encore que par les Perses, les Huns et les grands rois barbares, la paix intérieure du royaume était menacée par les querelles des théologiens. On peut lire tout au long dans l’ouvrage d’Amédée Thierry sur Nestorius et Eutychès ces controverses obscures touchant la nature du Christ, ou la question de savoir si Marie était mère de Jésus d’une façon humaine ou surnaturelle, — controverses infructueuses, tandis que celles qu’on agitera plus tard au moyen âge avaient une tout autre portée : par exemple, la question de savoir « si le Christ et ses disciples avaient ou non possédé un manteau, » impliquait celle de la légitimité des biens de l’église.

Rien d’original n’est sorti de Constantinople pour la civilisation. « Nous trouvons là, dit Macaulay, qu’une société polie, une société dans laquelle le système de jurisprudence le plus compliqué et élaboré était établi, dans laquelle les arts du luxe étaient bien compris, dans laquelle les œuvres des grands écrivains anciens étaient conservées et étudiées, a pu exister pendant près de dix siècles sans faire une seule grande découverte dans la science ou produire un seul livre qui puisse être lu par d’autres que par les érudits curieux. » La sévérité de ce jugement doit être tempérée par cette considération que, si l’empire byzantin a été stérile en chefs-d’œuvre, l’Europe entière du IVe au XIIe siècle lui ressemble. Constantinople a pourtant créé avec Sainte-Sophie un nouveau type d’architecture ; le Bas-Empire, l’état le plus civilisé de l’Europe jusqu’au XIIe siècle, a été le gardien des traditions antiques dans les lettres et les arts. Son école de peinture et de mosaïque a inspiré la renaissance. italienne ; ses juristes ont codifié le droit romain ; ses savans pot transmis aux Arabes le dépôt de la science antique. L’empire grec ne représentait pas, il est vrai, l’avenir, et il a été vite dépassé par les peuples plus jeunes de l’Occident ; mais il représentait le passé, et il est regrettable que son agonie, si curieuse à étudier comme exemple de la dégénérescence d’une nation, n’ait pas duré jusqu’à nous. Les Turcs, qui n’ont su que détruire, ont été bien inférieurs aux Byzantins qui, du moins, savaient conserver : « Il y eut à Constantinople, ajoute Macaulay, des controverses, des guerres en abondance : et ces choses, mauvaises en elles-mêmes, ont été en général favorables au progrès de l’intelligence… Mais ces agitations ressemblaient aux grimaces et aux contorsions d’un cadavre galvanisé et non aux efforts d’un athlète. »

Athénaïs se trouva mêlée à ces troublantes et stériles querelles sur la Trinité, la Vierge, mère de Dieu, l’incarnation du Verbe dans le sein de Marie, elle qui n’avait réfléchi qu’aux problèmes