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dont les cadavres décomposés pourrissent sous les autels, tandis que le chrétien, qui les vénère à l’égal de talismans, vient les entretenir de ses plaintes et de ses espérances, devaient blesser comme une sorte de mythologie d’hôpital le sens esthétique de ces Grecs, hommes naturels, heureux de vivre sous leur ciel clair, et habitués à contempler les rayonnantes figures de l’Olympe. Assurément, ces dieux avaient leurs ridicules : Lucien, le Voltaire grec, les a raillés ; mais la religion antique a créé des types éternels de beauté divine et d’héroïque humanité. Sans elle il y aurait dans notre civilisation un vide que le christianisme aurait été impuissant à remplir ; « l’éternelle vérité du paganisme, c’est l’art. » — En écrivant ces lignes, notre auteur passe sous silence les vices qui ont déshonoré le paganisme et rendu le christianisme nécessaire et bienfaisant, le matérialisme du culte païen, qui n’était parfois que la sanctification de la débauche sous l’œil favorable des dieux viveurs. Que l’on imagine le catholicisme ne subsistant plus, lui aussi, qu’à l’état de souvenir historique, mais se rappelant aux hommes par l’évangile, l’Imitation, les Fioretti, le poème de Dante, les dômes, les cathédrales et les vierges de Raphaël, n’offre-t-il pas des images qui peuvent rivaliser avec celles de l’antiquité et un idéal plus rapproché du cœur ?

Élevée dans la foi païenne, cette religion d’esprits heureux, instruits et distingués, Athénaïs ne courait dans sa ville natale aucun danger. Les édits n’avaient pu encore triompher de la tolérance des mœurs. Les temples fermés n’étaient pas détruits. Tout s’était borné à l’interdiction du culte. Athénaïs ne vit jamais les Panathénées, si ce n’est sculptées sur le Parthénon ; elle ne fit jamais sa prière dans le temple des Muses. Le culte des dieux de l’Olympe s’était réfugié au foyer domestique.

Leontius n’avait rien négligé pour sa fille, sauf de lui chercher un époux digne d’elle, en quoi il se montrait père égoïste. La légende, afin de mieux mettre en lumière ce que le bonheur de la jeune Grecque eut d’inespéré, rapporte qu’elle fut déshéritée au profit de ses deux frères, que son père lui laissa seulement cent pièces d’or, la trouvant assez dotée de grâces naturelles. En vain supplia-t-elle ses frères, Valerius et Gesius, de lui laisser sa part de patrimoine. Elle essuya un dur refus et se rendit à Constantinople près de sa tante, qui était chrétienne.

Théodose II régnait alors à Byzance sous la tutelle de sa sœur Pulchérie, presque aussi jeune que lui. Trois figures de femmes reflètent l’esprit de cette époque : à côté d’Athénaïs païenne, et bientôt chrétienne, d’Hypatie, « sainte et marbre du paganisme mourant, dont elle éclaire de sa belle figure le dernier crépuscule, »