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l’éducation la plus soignée. Le programme d’études d’une jeune Grecque du meilleur monde ou d’une dame de la cour de Byzance comprenait la grammaire, la rhétorique, la musique, la poésie et l’art de faire des broderies d’or. — Peut-être M. Gregorovius va-t-il un peu loin en disant que, même en ces derniers temps de l’hellénisme, une pareille éducation ferait honte à l’éducation de nos femmes, qui, pour la plupart, ne savent pas le grec. Mais le champ des lettres modernes est plus vaste et plus varié. On est moins coupable d’ignorer Eschyle quand on possède Cervantes et Shakspeare, Molière, Dante et Goethe. — Le grec classique, au temps d’Athénaïs, était d’ailleurs une langue vivante, et il serait injuste de nous représenter la fille de Leontius sous les traits d’une Bélise ou d’une Philaminte en herbe. Elle n’oublia jamais Homère ; elle récitait avec le même art achevé les chœurs tragiques et les beaux passages de Démosthène et de Lysias, écrivait des épîtres en prose et en vers, discutait sur des passages de vieux auteurs, parlait, improvisait. Athènes était alors remplie de l’étonnante érudition et de la gloire d’Hypatie, cette dernière muse de la Grèce, victime du fanatisme des chrétiens, qui traînèrent son beau corps nu et sanglant dans l’église et sur les places d’Alexandrie. À peine le paganisme avait-il cessé de persécuter que le christianisme persécutait à son tour. Hypatie ouvre la longue liste des martyrs de la liberté.

L’église, au Ve siècle, avait perdu cette figure jeune et sympathique des premières communautés chrétiennes, luttant pour leur existence, sorte de sociétés secrètes, de corporations mystérieuses, vouées à l’amour et à la liberté morale. Novelli temerarii, rudes, pauperes, desperati, tels étaient les noms que les Romains donnaient aux premiers chrétiens, synonymes de révolutionnaires grossiers et exaltés : mais de pauvre qu’elle était, l’église était devenue riche ; de révolutionnaire, conservatrice, d’opprimée, oppressive, elle ne se recrutait plus seulement parmi les humbles, mais parmi les patriciens et les empereurs. Déjà la pureté du dogme s’était altérée. Sur les simples et sublimes préceptes de l’évangile s’étaient greffées les explications, inventions et élucubrations des théologies, des sectes et des hérésies : tout l’appareil du miracle et de la superstition. À cette condition seulement, le christianisme pouvait se répandre sur le monde et absorber les anciens cultes.

Athénaïs avait-elle quelque connaissance des doctrines de l’église ? Les sophistes païens, s’ils les lui firent connaître, les lui présentèrent sans doute altérées afin de mieux mettre en évidence la supériorité de la foi des grands ancêtres. Si l’on ferme les yeux sur la hauteur morale du christianisme, nous dit M. Gregorovius, si l’on s’arrête à l’écorce, il est aisé d’en inspirer l’éloignement. Ces symboles chrétiens, empruntés à la souffrance et à la mort, ces légions de saints