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et considération. Nous lisons dans une lettre du spirituel néoplatonicien Synesius de Cyrène que les étudians, parce qu’ils avaient fréquenté l’Académie et le Lycée, « se promenaient parmi les mortels comme des demi-dieux parmi des bêtes de somme. » Temples, tombeaux, platanes, bois d’oliviers sur les bords du Céphise, Acropole, Propylées, Parthénon, Érechtéum, ce paysage, ces monumens debout, presque intacts bien qu’abandonnés et sans culte public, évoquaient les morts illustres. On se montrait encore les modestes demeures qu’avaient habitées les poètes, les orateurs, les philosophes immortels. Assis sur les fauteuils de marbre du théâtre de Dionysos, le regard errant sur la mer lumineuse d’Égine et de Salamine, on pouvait réciter les vers qui exaltèrent les citoyens d’Athènes sur cette scène du monde. La fréquentation idéale des génies de l’antiquité faisait de l’étude à Athènes un culte de héros, une initiation aux mystères de la sagesse antique. Grégoire de Nazianze, après avoir fréquenté Athènes, considérait ce séjour comme dangereux pour le salut des jeunes chrétiens, tant la ville païenne exerçait sur les âmes un charme insinuant. Boèce, dernier sage de Rome, qui, dans sa prison, quoique chrétien, demandait ses consolations dernières à la philosophie antique, avait passé plusieurs années en Grèce. C’est aussi à cette école d’Athènes que Julien avait puisé ses germes de haine pour la religion du Christ. Au chapitre VII de son Saint Paul, M. Renan nous a tracé un tableau d’Athènes à côté duquel celui de M. Gregorovius paraîtra pâle. L’historien français s’attache aussi à faire ressortir en traits saillans l’antipathie du génie grec et du génie chrétien dans des pages qu’on n’oublie pas les ayant une fois lues.

Mais la vieille cité de Périclès, rivale des écoles d’Alexandrie, d’Antioche et de Constantinople, était en dehors des grands courans historiques et des questions vitales qui agitaient le monde. C’était surtout un musée, un sanctuaire de l’art. L’Académie, en décadence, vide d’idées, où l’on n’enseignait que ce qui était connu depuis des siècles, où les rhéteurs ne disaient rien qui n’eût été dit mille fois avant eux, ne vivait plus que de l’ombre de sa réputation passée. Nulle étincelle de vie nouvelle n’en pouvait jaillir.

Bien que nous connaissions, par l’ouvrage d’Eunapius, les sophistes célèbres du IVe siècle, nous ne possédons aucun détail sur Leontius, le sophiste dont la remarquable fille Athénaïs devait porter le diadème d’impératrice byzantine. Elle naquit après l’invasion des Goths, vers l’an 400. Leontius consacra son enfant à la déesse de la sagesse, comme en témoigne le nom qu’il lui donna, au temps même où le paganisme hellénique allait tomber d’une chute irrémédiable. Athénaïs grandit dans la maison de son père, remplie d’objets d’art et d’antiquités. Le professeur était savant et riche ; Athénaïs reçut