employaient pendant trois mois dix mille Assyriens à ce travail : le barrage était à recommencer chaque année, et souvent la terre, trop légère et trop meuble, cédait à la pression du fleuve. Alexandre voulut étudier le terrain de ses propres yeux ; il descendit le Pallocopas, parcourut dans tous les sens le lac où ce canal se déchargeait et finit par découvrir un terrain assez solide pour qu’on y pût asseoir une digue permanente. L’exploration du lac l’avait conduit aux lieux où s’élevaient, non loin de la frontière arabe, les tombeaux des premiers rois chaldéens : il donna l’ordre d’y bâtir une ville entourée de murailles et de la peupler d’une colonie composée de Grecs mercenaires.
Quelle noble agitation et que cet empressement à se prodiguer nous montre bien la grande âme qu’avaient formée les leçons d’Aristote ! Quand Alexandre, après cette excursion, revint à Babylone, quels étaient ses projets ? La plupart des historiens ont pensé qu’Alexandre se proposait alors de soumettre l’Arabie. Ce plan presque invraisemblable de conquête n’avait pas seulement pour objet d’exploiter les richesses d’un pays « où l’on recueillait la casse dans les marais, la myrrhe et l’encens sur les arbres, le cinnamomum, — probablement la cannelle, — sur des arbustes et le nard, — le parfum favori de Salomon, — dans les prés ; » l’Arabie soumise, c’était pour la Chaldée et pour l’Assyrie la garantie de paix que les rudes campagnes de la Sogdiane et de la Bactriane venaient de donner aux provinces orientales de l’empire. Alexandre comptait, après la victoire, laisser aux Arabes, comme il le fit pour les peuples de l’Inde, leurs lois et leurs coutumes ; il tenait uniquement à se préserver de leurs invasions. Nous n’irons certes pas jusqu’à croire qu’Alexandre, par une sorte de divination qui n’appartint jamais qu’aux prophètes, ait pu, dès ce moment, entendre mugir au loin le flot de l’islamisme : il devait s’écouler encore bien des siècles avant que les tribus divisées de la péninsule arabique songeassent à se réunir dans une pensée commune, mais il est permis au génie d’avoir la vue longue, et l’expédition d’Arabie entrait naturellement dans les plans d’un souverain auquel le monde, séduit ou subjugué, se hâtait de déférer le rôle de suprême arbitre.
Les députations affluaient de toutes parts dans le camp d’Alexandre : il en venait de Carthage et de l’Éthiopie ; du pays des Scythes européens, de celui des Celtes et de la contrée qu’habitaient les Ibères. Les Bruttiens, les Lucaniens, les Étrusques, envoyaient également d’Italie solliciter une alliance dont la grandeur naissante de Rome était bien faite pour rehausser le prix. Quant aux députés grecs, ils ne pouvaient avoir d’autre mandat que de resserrer le pacte qui unissait déjà, sous le sceptre d’Alexandre, toutes les fractions si