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combien leur éducation, à ce sujet est lente et qu’il est grand le nombre des états qui ont péri avant de l’avoir complètement achevée ! « César, écrivait l’empereur Napoléon III, le 29 mars 1866, dans un livre daté du palais des Tuileries, avait l’intention de rétablir la république dans son ancien lustre, ses anciennes formes, mais sur de nouveaux principes… Il ne fut pas possible à Auguste de réaliser le projet de César ; quatorze années de guerre civile avaient épuisé les forces de la nation et usé les caractères ; les hommes imbus des grands principes du passé étaient morts ; les survivans avaient alternativement servi tous les partis… Le meilleur architecte ne peut bâtir qu’avec les matériaux qu’il a sous la main. »

« Aux jeunes l’action, aux adultes le conseil, » avaient écrit sur les murailles les bannis de Tarse. Athénodore, un philosophe dont la volonté souveraine d’Alexandre s’était plu à faire un gouverneur, ajouta : « Aux gérontes le tonnerre vengeur. » Le conseil des gérantes tenait une grandie place dans la plupart des constitutions antiques, principalement dans la constitution de Sparte. Qu’importe qu’à Céos la loi ait naguère prescrit de faire boire la ciguë à tout homme qui avait passé la soixantaine, que chez les Derbices, chez les Caspiens, dans la Bactriane même, on n’eût plus, à l’âge de soixante-dix ans, que le choix d’aller se faire égorger sur l’heure ou de mourir de faim en prison ? Il ne faut reconnaître dans ces dispositions inhumaines que les préoccupations d’une époque où. les subsistances étaient rares : dès que le blé abonde, au sein même des forêts, si la venaison ne fait pas défaut, l’humanité nous présente un tout autre spectacle. Les Chinois célèbrent dans leurs inscriptions lapidaires « l’agréable odeur des cent ans, » et chez nous-mêmes, chez nous qu’on croirait étrangers à tous les respects, voici ce qu’on entendait hier sur la montagne :


: Pierre à pierre, en songeant aux croyances éteintes,
: Sous la société qui tremble à tous les vents.
: Le penseur reconstruit ces deux colonnes saintes :
: Le respect des vieillards et l’amour des enfans.


Lycurgue ne voulut accorder qu’aux vieillards « le droit de concourir pour les qualités morales. » C’était une excellente chose, pensait-il, que les jeux gymniques, mais ces jeux ne mettaient en relief que la vigueur du corps, « tandis que le concours périodiquement ouvert pour le renouvellement du conseil des gérontes fournissait aux belles âmes l’occasion de se faire apprécier. » Gardons-nous cependant de tomber dans le travers trop fréquent des utopistes ; ne nous créons pas une Salente imaginaire : Solon ne se proposa point de