du 14 novembre a agi avec la présomption d’un homme qui ne doute de rien, qui ne soupçonne même pas qu’il peut rester en route ou être abandonné à mi-chemin. Sans doute, entre Paris et Londres, on a paru s’entendre sur certains points ; on a été d’accord pour reconnaître que la situation de l’Égypte devenait grave, menaçante pour les intérêts européens, qu’il y aurait danger à laisser la Turquie intervenir en pacificatrice, que l’Angleterre et la France avaient des titres particuliers pour régler la question, pour garder la direction des événemens. On a reconnu tout cela, et même cet accord d’idées ou d’impressions s’est manifesté par un acte public, par cette note identique du 7 janvier, qui ressemblait à une affirmation du protectorat anglo-français. À dire vrai, l’alliance était dans les paroles plus que dans les pensées, surtout plus que dans les actions. L’erreur de M. Gambetta a été de prendre ses illusions pour des réalités, de se fier à son esprit d’initiative et à sa résolution, de se figurer qu’après avoir décidé l’Angleterre à faire un premier pas, il l’entraînerait jusqu’au bout ; c’est son erreur, et rien ne le prouve mieux que l’équivoque qui a régné depuis le premier jour jusqu’au dernier au sujet de cette note du 7 janvier, considérée par le chef du cabinet du 14 novembre comme une victoire.
Que signifiait-il, cet acte du 7 janvier qui a fait plus de bruit que de besogne et même peut-être plus de mal que de bien ? Dans la pensée de M. Gambetta, c’était un premier pas, presque le préliminaire d’une campagne. L’Angleterre, il est vrai, avait fait ses réserves sur le « mode d’action » qui pourrait être adopté si l’action devenait nécessaire ; mais ce n’était là qu’une précaution de circonstance : l’entente était désormais nouée et ne pouvait que se développer, aller au besoin jusqu’à une intervention militaire des deux puissances. Dans la pensée du cabinet de Londres, au contraire, ces réserves avaient un sens parfaitement net et positif. Lord Granville n’avait nullement entendu se lier. Il avait cru tout au plus donner un gage d’amitié au gouvernement français, prouver sa bonne volonté en se prêtant à une démonstration morale qui lui était proposée, qui était l’attestation ostensible du bon accord des deux puissances. Il n’avait pas voulu aller au-delà ; il avait pensé très positivement réserver dans toute son intégrité la liberté du gouvernement britannique. Avec un peu plus de réflexion ou de précision d’esprit, M. Gambetta aurait dû, avant tout, éclaircir cette équivoque, dissiper cette confusion. Il n’ignorait pas cette différence d’interprétation. Les avertissemens ne lui manquaient pas. Dès la première heure, notre ambassadeur à Londres, M. Challemel-Lacour, l’avait prévenu que lord Granville n’avait entendu en aucune manière prendre « l’engagement d’une action effective, » qu’il avait voulu simplement s’associer à une « action morale » en assurant une fois de plus le khédive de l’accord des deux puissances. Peu de jours après, M. Challemel-Lacour, en parlant du prix que lord Granville attachait à