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les mœurs, l’accoutrement et la manière de combattre de chacune d’elles, la frise du temple de la Victoire aptère nous représente ces mêmes étrangers résumés, au moyen d’une caractéristique sommaire et sous un type uniforme, C’est une synthèse de l’homme d’Orient. Nous ignorons ce qu’était la bataille de Marathon, dont le pinceau de Panœnos avait décoré les murailles du Pœcile, et nous ne pouvons dire si elle offrait des renseignemens plus variés. Il serait possible. Mais, pour les barbares en général, les vases peints sont très avares de ces particularités que nous aurions tant d’intérêt à connaître. Là, plus qu’ailleurs peut-être, on voit paraître le dédain. Tous les peuples qui n’appartiennent pas au monde hellénique, tous, depuis les Égyptiens jusqu’aux habitans des Palus-Mæotides, sont figurés sous des traits dépourvus de noblesse et comme les représentans de races inférieures. Leurs formes sont aussi éloignées de la beauté grecque que le jargon de l’archer scythe qu’Aristophane met en scène est différent de la langue attique. Que dire des Romains ? Sans doute ils portaient plus d’attention aux vaincus. Mais combien leurs monumens triomphaux les plus dignes de foi ne sont-ils pas surpassés en intérêt par ce que Tacite nous apprend dans la Germanie et dans la Vie d’Agricola ? Du moins Grecs et Romains se sont-ils très bien représentés eux-mêmes.

Le respect de la vérité historique n’est point un privilège de notre temps : il y a pris une forme plus compréhensive, il s’y est beaucoup développé depuis soixante ans. La connaissance des mœurs des anciens était déjà remarquable dans l’école de Raphaël ; Jules Romain et Polydore de Caravage connaissaient bien l’antiquité latine. Le Poussin nous a laissé une foule de dessins qui témoignent de l’importance qu’il attachait à la justesse du caractère. Louis David se passionna tellement pour le style classique que, dans ses ouvrages la forme humaine elle-même paraît empruntée à l’antique au même titre que les costumes et les accessoires. Il manquait de critique comme de mesure, et d’ailleurs l’étude de l’histoire telle que nous l’entendons naissait à peine. Plus tard, l’archéologie initia les artistes à l’esprit de recherches. Un grand amour de la vérité, une curiosité féconde animèrent pendant quelque temps une école qui eut pour chefs Ingres et Paul Delaroche, et dont, après eux, M. Gérôme est encore le représentant ingénieux et bien informé.

Mais aujourd’hui la jeunesse tombe dans l’indifférence ; le dédain de tout travail de l’esprit paraît nous saisir. C’est devenu un principe que le sentiment suffit pour exprimer un sujet tout entier et que la plus large part doit être laissée à la fantaisie. Après le culte aveugle de l’antiquité, après les bizarreries auxquelles peuvent