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M. DUFAURE
SA VIE ET SES DISCOURS

III.[1]
LE SECOND EMPIRE
(1852-1870)

Si l’exercice du pouvoir donne la mesure du talent, les années passées loin des affaires publiques peuvent seules montrer ce que vaut la force de l’âme. Pour les plus fermes, il y a une heure critique au moment où à la vie active succède brusquement un repos absolu. Aussi l’épreuve était-elle rude pour les hommes d’état que, depuis trente ans, la France avait appris à respecter, lorsqu’ils furent tous jetés dans la retraite à la fin de l’année 1851 par le renversement subit des institutions libres qu’ils avaient servies. Ce sera devant l’histoire l’honneur des parlementaires, à quelque opinion qu’ils appartinssent, d’avoir montré (à une ou deux exceptions près) combien leurs convictions l’emportaient sur le souci de leurs intérêts et quel cas ils faisaient de leur conscience et du droit. Les vaincus du coup d’état furent lents à reprendre leur route dans la vie. C’est le sort des hommes de notre temps que la politique a absorbés et qui, au lieu d’y donner une part de leur esprit, s’y sont livrés corps et âme, de se trouver comme égarés au lendemain des révolutions. Suivant la trempe plus ou moins virile de leur

  1. Voyez la Revue du 1er avril et du 15 mai.