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amende de 16 à 200 francs tout membre d’une association illicite, frappe l’association elle-même de dissolution (article 4) et enfin la dépouille (articles 5 et 6). En d’autres termes, la liberté pour les autres sociétés, l’amende, la mort et la confiscation pour les congrégations, voilà tout le projet de M. Waldeck-Rousseau et voilà comment le grand ministère entendait la justice.


IV

Et maintenant que penser des assurances ministérielles ? Que pèsent-elles encore devant d’aussi claires et nombreuses manifestations ? Sans doute, dans cette orgie de passions irréligieuses, le cabinet actuel n’a qu’une part de responsabilité. Ce n’est pas lui qui conduit le mouvement ; il chercherait plutôt à l’enrayer, et lorsqu’il proclame hautement son intention de se maintenir énergiquement sur le terrain du concordat, nous voulons bien croire à sa bonne foi ; mais nous ne pouvons nous empêcher de douter de sa clairvoyance et de trouver sa prétention au moins étrange. Pour conserver une position, encore faut-il l’occuper ; pour la défendre avec quelque chance de succès, il n’aurait pas fallu commencer par en sortir avec éclat. Or, qui a commencé le Culturkampf en France ? Qui a ouvert le feu et qui a donné le premier assaut ? Nous vivions, l’état vivait depuis bien des années dans une tranquillité relative avec l’église, quand tout à coup, sans y être provoqué, froidement, pour faire diversion à de secrets embarras, M. Jules Ferry s’est avisé de partir en guerre. Avec quel mépris des plus simples notions de la justice et du droit fut menée cette belle campagne, on le rappelait tout à l’heure, et le souvenir des hauts faits qui la signalèrent est encore dans tous les esprits. Et voilà qu’aujourd’hui, pliant sous le coup des responsabilités qu’ils ont encourues, effrayés de la violence des passions qu’ils ont déchaînées, ces mêmes hommes ne jurent plus que par le concordat. Eh bien ! non, cela n’est pas soutenable. Non, la politique de l’article 7 et des décrets, non, la politique qui a chassé le prêtre de l’école et qui a rayé jusqu’au nom de Dieu des programmes d’enseignement, non, cette politique-là n’a rien de commun avec le concordat. Le concordat, c’était la paix avec l’église et la paix dans les consciences. C’était la puissance civile et la puissance religieuse concourant au bien général, chacune dans les limites de son pouvoir et de ses droits. C’était la France gouvernée dans le sens de ses traditions historiques et de son génie national ; pour les Français et non contre eux, pour ses millions de catholiques et non pour une poignée de libres penseurs. La politique concordataire, voilà par quels signes, par quels traits elle s’est toujours manifestée, et, n’en déplaise à