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qui pouvait déjà être faite en 1844 et qui a plus de force encore en 1882 : c’est que l’état, pour suffire ; aux besoins croissans de ses collèges, a été entraîné à accepter pour leur personnel des garanties moins rigoureuses que celles qu’il voudrait imposer au personnel des institutions libres. Le baccalauréat est seul exigé dans les collèges communaux, même pour les classes supérieures. Les classes inférieures et la surveillance peuvent y être confiées à de simples instituteurs ; en outre, les recteurs, les proviseurs et les principaux ont un droit de délégation ou d’engagement provisoire, pour un certain nombre de fonctions, sans justification de titres ; Est-il prudent, pour le vain avantage de gêner l’enseignement libre, d’appeler l’attention sur ces misères de l’enseignement public ?

Vain avantage, en effet, pour le but que l’on poursuit ; car les séminaristes et les novices des congrégations ont plus de facilités que les jeunes laïques pour la préparation aux examens et aux grades. Ils y ont, je le sais, des succès plus nombreux que brillans ; ils n’y montrent, en général, que la moyenne ou, pour mieux dire, la médiocrité de savoir dont tout examen obligatoire est forcé de se contenter ; mais le travail en commun, sous une direction habile et avec une grande régularité d’habitudes, les élève assez aisément à ce modeste niveau. Si jusqu’à présent ils n’ont pas recherché les titres universitaires, c’est qu’ils n’en avaient pas besoin ; c’est aussi que leurs chefs ne tenaient pas beaucoup à les pourvoir de titres qui pouvaient encourager parmi eux des sentimens d’orgueil ou des velléités d’indépendance ; mais quand il ne sera plus permis de s’en passer, ce n’est pas l’enseignement clérical qui éprouvera le plus de difficultés à remplir toutes les conditions exigées. Il ne visera pas sans doute à l’agrégation et au doctorat ; mais il aura plus aisément et plus promptement que l’enseignement libre laïque le nombre légalement suffisant de licenciés, de bacheliers, de brevetés de l’enseignement primaire, voire même de directeurs pourvus du certificat d’aptitude pédagogique[1]. Quel sera donc le résultat le plus net de ces nouvelles exigences ? Quelques maisons d’ordre inférieur seront forcées de se fermer ; les plus prospères et surtout les maisons ecclésiastiques, non-seulement se mettront en règle avec la loi, mais elles trouveront une recommandation de plus dans les titres de leurs maîtres ; elles auront d’autant mieux le droit de s’en prévaloir

  1. On avait pu craindre que ce certificat, dont l’objet est assez difficile à bien définir, ne devînt un instrument d’inquisition, dans un intérêt politique ou religieux, contre les méthodes ou les doctrines suspectes. La discussion récente de la chambre des députés, a en partie dissipé ces craintes, mais elle a en même temps mis en lumière l’inutilité de cette institution qui ne sera qu’une entrave pour la liberté, sans profit pour l’autorité.