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cognait sa tête au plafond. A sa première relâche sur les côtes d’Espagne, il apprit que Garibaldi, après avoir livré le combat de Galatafimi, s’était rendu maître de Palerme. Il mit le cap sur la Sicile, invoquant comme Ulysse les vents qui poussent vers Trinacria, et il aborda à Melazzo, vers l’heure où Garibaldi venait de s’y établir, après en avoir chassé les troupes royales. De ce moment, Damas devint l’ambassadeur de Garibaldi. Il avait en poche une cinquantaine de mille francs, destinés aux frais de son voyage, il les employa à acheter des fusils qu’il expédia à Messine ; il alla à Turin voir Cavour, à Gênes stimuler l’action des comités d’enrôlement, à Naples, où il eut une entrevue avec Liborio Romano, le ministre de l’intérieur, ce qui ne l’empêcha pas d’être expulsé ; à Saiemie, où il fut reçu au son des cloches ; partout il donna le mot d’ordre, il s’entretint avec les hommes influens et travailla à préparer l’unité italienne. Aussi quand il arriva à Naples, après l’entrée de Garibaldi, on lui assigna pour logement le palais de Chiatamone, et, à sa demande, on le nomma directeur des beaux-arts, fonction gratuite à laquelle n’était même pas attachée une indemnité, et qu’il avait réclamée pour toute récompense, afin de pouvoir faire continuer les fouilles de Pompéi, que le gouvernement déchu avait menées avec mollesse.

Alexandre Dumas était tout à ce projet, qu’il avait épousé avec son ardeur habituelle : les plans de Pompéi étaient étalés sur sa table, il me les montrait, nous les discutions, car je connaissais le terrain ; il me disait : « Vous verrez, vous verrez ce que nous allons découvrir ; à coups de pioche, nous mettrons l’antiquité en lumière. » Il voulait écrire à Paris pour qu’on fît partir immédiatement des savans, des archéologues, des artistes qui l’aideraient dans ses travaux, dirigeraient les tranchées, classeraient et détermineraient les objets. Il n’était plus question ni de Capoue, qui tenait encore et menaçait de tenir longtemps, ni de Gaëte, où l’on rassemblait des troupes, ni de Lamoricière, qui s’épuisait à équiper ses hommes ; il ne s’agissait que de Pompéi, de la maison de Diomède, du théâtre et de la caserne des vétérans. Hic jacet felicitas, me disait-il avec son bon rire, en me répétant l’inscription gravée sur une des maisons de la ville endormie. Nous ne délivrions plus les peuples, nous délivrions les ruines et nous n’épargnions pas les illusions. Dumas espérait que Victor-Emmanuel pourrait mettre à sa disposition une compagnie de sapeurs du génie qui conduiraient le travail des fouilles. Il avait compté sans son hôte, c’est-à-dire sans le peuple de Naples, qui trouva mauvais que l’on pourvût un étranger d’une fonction, — non rétribuée, — qui demanda si le régime des privilèges allait renaître, qui estima que l’intrusion d’Alexandre Dumas