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donc de construire les nouvelles lignes d’intérêt général ; le système de la garantie-et du revenu réservé en fournira le moyen aux unes ; le recul du partage des bénéfices pourra être offert aux autres. Cette première partie de l’œuvre à accomplir ne présente pas de grandes difficultés.

Il n’en est pas ainsi de la seconde, c’est-à-dire du meilleur marché des transports. On se heurte ici à des difficultés si grandes que, pour les résoudre, on n’avait rien imaginé de mieux que le rachat ruineux des chemins de fer et l’exploitation par l’état. Puisqu’il faut renoncer à ces chimères, puisque le rachat partiel, celui d’une seule ligne, même de l’Orléans, ne pourrait se faire sans compromettre tout l’édifice, il ne reste en définitive qu’à s’entendre avec les compagnies. Or le maintien des tarifs actuels acquis par celles-ci à titre onéreux et payé près de 8 milliards, c’est leur fortune entière, le revenu de leurs actionnaires, le gage de leurs dettes : y toucher, c’est jeter l’effroi dans ce nombre immense de porteurs qui votent dans tous nos collèges électoraux. D’un autre côté, ne pas diminuer le prix des transports, c’est mécontenter un plus grand nombre encore d’électeurs ; on comprend les perplexités de ceux qui nous gouvernent, ballottés entre ces influences contraires. Or est-il donc vrai que les tarifs soient exagérés et qu’il soit possible de les réduire ?

Avant tout, il faut distinguer entre les tarifs ; il y a les tarifs légaux fixant le maximum des prix que les compagnies peuvent percevoir, établis par la loi de concession, uniformes pour toutes les lignes sans distinction entre celles qui ont coûté plus cher à construire et où le transport est bien plus onéreux en raison des courbes, des pentes, des difficultés de traction. Ces tarifs, dont le chiffre n’est jamais appliqué, pourraient être révisés, moins au point de vue pratique que par respect pour la vérité théorique.

Les tarifs généraux sont ceux que les grandes compagnies ont toutes adoptés avec le consentement de l’état et qui forment le droit commun pour tous les transports ; enfin, pour répondre à des besoins particuliers et plier leur exploitation aux exigences variées et incessamment mobiles du commerce, les compagnies ont établi des tarifs spéciaux en vertu desquels certains produits paient des prix de transport beaucoup moins élevés sur plusieurs lignes que sur d’autres : de là réclamations du commerce, plaintes des producteurs non-seulement contre les compagnies, mais encore contre le gouvernement, qui, juge en dernier ressort des questions de tarifs, pourrait refuser l’homologation aux abaissemens exagérés des compagnies et réduire la concurrence à ses justes limites, agir, en un mot, en bon père de famille. Les reproches faits aux tarifs spéciaux, dont il serait utile de réduire le nombre et dont l’administration