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fer, des canaux et des rivières, M. de Freycinet, ainsi que l’avait fait en 1842 un de ses éminens prédécesseurs, présenta, en 1878, au chef de l’État un rapport général sur un ensemble d’entreprises dont la dépense estimée par lui à 4 milliards ne tarda pas à être évaluée à plus de 6. Il demanda tout d’abord à compléter jusqu’au chiffre de 40,000 kilomètres le réseau de toutes les lignes ferrées qui n’en dépassaient guère 21,000, et il se plut à énumérer en même temps les améliorations à apporter aux voies fluviales et aux ports. L’opinion publique accueillit avec faveur ces projets, mais certains doutes s’élevèrent bien vite sur la facilité d’exécution et sur l’époque où elle deviendrait possible. En ce qui concerne les chemins de fer, le classement supplémentaire des lignes dites d’intérêt général comprenait 5,400 kilomètres déjà concédés, mais non exécutés, près de 3,000 énumérés dans les lois antérieures et qui n’avaient été l’objet d’aucune concession, plus de 9,000 enfin dont le ministre proposait le classement sans rien préciser quant à l’époque du commencement des travaux et quant à la priorité de rang à accorder aux uns sur les autres. La question du mode d’exploitation restait toujours indécise ; comme pour le réseau de l’état le provisoire pouvait devenir la règle, à défaut de bail consenti à une compagnie, le gouvernement devait lui-même exploiter.

Il suffit de lire dans le projet de loi présenté, après le rapport adressé au président de la république sur le classement des lignes d’intérêt, général, les noms des cent cinquante-quatre chemins successivement inscrits dans le tableau A pour rester convaincu qu’en dressant cette liste, M. le ministre des travaux publics cédait surtout au besoin de faire acte de conciliation politique entre les défenseurs des intérêts locaux et affichait un programme plutôt qu’il n’exposait un plan vraiment sérieux. Ces lignes ferrées dont le numéro 1 désigne celle d’Armentières à Lens par Don, et le n° 154 celle de Bayonne à Saint-Jean-Pied-de-Port, où l’on indique une série de raccordemens dont le point de départ reste à choisir, n’ont pour la plupart figuré dans le tableau A, réservé aux chemins d’intérêt général, que pour prendre rang et acquérir un droit éventuel aux libéralités ultérieures de l’état. Le tableau B, dressé à la suite, qui comprenait les seuls chemins d’intérêt local, présentait une suite de noms au moins aussi notoires, et l’on s’est même demandé pourquoi ces chemins locaux déjà concédés et en partie en cours d’exécution n’avaient pas été élevés au rang des privilégiés du tableau A, alors qu’ils auraient offert l’occasion de travaux immédiats, tandis que rien ne rendait obligatoire dans un délai déterminé l’exécution des chemins d’intérêt général. En ce moment, un bruit curieux à relater circula dans les cercles politiques. Le tableau A, disait-on, a rallié, dans le vote des chambres, le plus grand nombre des votes,