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13,000 kilomètres ; les résultats obtenus justifiaient donc les deux grandes mesures adoptées de l’organisation des six grands réseaux et du régime des conventions. L’intérêt de tous était satisfait, les capitaux privés recevaient une rémunération satisfaisante, et le prix des titres qui les représentaient s’élevait de plus en plus : une idée nouvelle se fit jour alors dans les conseils du gouvernement sous la pression de l’opinion publique, et l’on dut aborder la question des chemins d’intérêt local construits et exploités à bon marché.

Cette création dernière du gouvernement impérial n’a pas produit les effets attendus, et son insuccès ne tarda pas à exercer une influence mauvaise sur la situation même des chemins d’intérêt général : avant d’en résumer l’histoire spéciale, il convient de faire ressortir un des caractères particuliers du régime des conventions elles-mêmes.

Née d’une pensée à coup sûr très intelligente des besoins du moment, et grâce à des combinaisons heureuses, l’entente établie entre les intérêts particuliers des compagnies et celui de l’état réalisa les espérances de ses auteurs : aucun mécompte n’atteignit leurs calculs. Le revenu réservé des grandes compagnies avait été établi avec une si merveilleuse justesse que deux d’entre elles (et ce ne furent pas celles qui prirent la moindre part aux extensions de leur réseau), la compagnie du Nord et la compagnie de Paris-Lyon-Méditerranée, n’eurent jamais recours pour la construction de nouvelles lignes à la garantie d’intérêt : pour trois autres, le Midi, l’Est et l’Orléans, le moment du remboursement des avances de l’état est déjà venu, bien avant, on le voit, l’époque fixée par l’honorable M. de Francqueville : le partage des bénéfices n’est pas aussi prochain, puisqu’à mesure que de nouvelles lignes, toujours plus onéreuses aux compagnies, ont été acceptées par elles, le capital nouveau qu’elles nécessitent amoindrit le produit des autres. On peut cependant prétendre que pour le Nord et le Lyon ce partage ne devrait pas être éloigné. En dehors toutefois du succès mathématique des conventions, ne peut-on dire que ce régime même n’a pas été conçu avec la même hauteur de vues que celui de 1842 ? Il a mis les grandes compagnies vis-à-vis de l’état en rivalité d’intérêts, en discussion de profits, et a fourni aux désirs assurément très légitimes de bénéfices l’occasion de se produire avec une certaine âpreté. Ainsi, l’administration des compagnies a été accusée de placer l’intérêt de leurs actionnaires avant l’intérêt général, d’obéir, par exemple, au principe qu’il faut faire rendre à la marchandise tout ce qu’elle peut payer, c’est-à-dire tirer l’entier profit que les tarifs sont aptes à procurer, tandis que le préambule de l’ordonnance du 15 novembre 1846 avait affirmé que les chemins de fer ne peuvent, ne doivent être exploités que dans l’intérêt de tous. Alors se sont produites les