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Qu’est-il arrivé en effet et que reste-t-il de cet incident, certes fort imprévu, né il y a quelques jours au courant d’un débat tout financier ? Y a-t-il eu un commencement de crise ? N’était-ce, comme on l’a dit, qu’un simple malentendu ? Toujours est-il qu’un instant l’alarme a été chaude et que l’action a été vivement conduite. Au premier abord, la question n’était point sans doute de celles qui peuvent passionner une assemblée. Il s’agissait d’un certain nombre de motions tendant à modifier le régime fiscal des boissons, et, pour une de ces motions, la commission d’initiative, selon l’habitude invariable, proposait à la chambre l’éternelle prise en considération. Une simple prise en considération, c’est peu de chose si l’on veut ; ce n’est pas moins une première atteinte à l’organisme financier. Toutes ces propositions ont l’inconvénient de toucher à une multitude d’autres questions fiscales, de nécessiter toute sorte de remaniemens législatifs qui compliquent la solution, et surtout de laisser entrevoir des suppressions d’impôts au moment où l’on est occupé à résoudre le laborieux problème de mettre l’équilibre dans le budget. C’est justement sur ce point que M. Léon Say a ouvert résolument le combat, demandant sans hésiter à la chambre de repousser la prise en considération, démontrant le danger d’agiter l’opinion avec des questions qui ne peuvent être résolue, pour le moment, qui pourraient conduire, — c’est le mot qu’il a prononcé, — « à des désastres budgétaires. » M. Léon Say a parlé en vrai ministre des finances, en homme qui est arrivé au pouvoir pour faire des choses sérieuses, pour appliquer un programme mûrement médité, et, ce qu’il y a de plus curieux, c’est l’espèce d’ébahissement qu’a paru éprouver la commission parlementaire en rencontrant une si vive résistance chez un ministre. La commission a objecté assez mélancoliquement qu’il serait pourtant intéressant que le gouvernement n’eût qu’une théorie en matière de prise en considération, que le cabinet avait laissé passer des propositions bien autrement graves, auxquelles il se disait opposé, et qu’il était bien peu conséquent avec lui-même en arrêtant une proposition d’un ordre plus modeste. Oui, sans doute, la commission avait raison, elle était parfaitement fondée dans ses plaintes : le gouvernement a en effet laissé passer jusqu’ici tout ce qu’on a voulu ; il a cru se tirer d’embarras par un ajournement qui, selon toute apparence, ne fera que lui créer de plus graves difficultés ; M. le ministre des finances, quant à lui, a voulu en finir avec cette tradition compromettante de prises en considération. Il s’est montré très décidé à aller jusqu’au bout, et comme la chambre, par un mouvement de susceptibilité ou par irréflexion, est allée, elle aussi, jusqu’au bout, comme elle a voté ce que M. le ministre des finances avait combattu, M. Léon Say a immédiatement donné sa démission. Or ici l’imbroglio devient assez bizarre.

Évidemment la chambre, en se passant la fantaisie de prendre en