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son histoire avec Boytaca à Belem (je ne saurais compter comme une évolution, mais simplement comme un reflet, l’influence de l’art indien à la fin du XVIe ' siècle), ait été débordé de toute part. Dans un tel milieu, il n’y avait plus ni règle ni discipline ; qu’il s’agît d’objets d’art religieux ou profanes, chacun suivait sa fantaisie ; et il ne manquait pas de parvenus, surpris par leur richesse inattendue, pour imposer les commandes les plus bizarres et dicter aux artistes les plus singuliers programmes. Telle est la raison de ces hésitations sans nombre et du désordre de style dont se plaignait François de Hollande à son retour d’Italie à Lisbonne. De là aussi la variété des styles dans des objets d’une même époque. Ou les artistes venaient du dehors, et ils apportaient naturellement leurs traditions ; ou bien Portugais dans leur essence, et décidés à échapper à la tutelle et aux traditions des grands artistes espagnols qui faisaient école dans la péninsule, — les Becerril, les Carrion, les Merino, les Arfe, — ils se livraient à des fantaisies suscitées par les événemens du temps et, n’étant pas soutenus par ces belles traditions classiques dont se sont inspirés les artistes de la renaissance, ils entassaient un peu au hasard, sans grande science anatomique, des milliers de figurines sur le marli d’un plat d’apparat ou autour d’une coupe de dressoir. Et c’étaient des triomphes, des épisodes de bataille, des allusions aux faits contemporains singulièrement sculptés dans des frises dont les ornemens étaient empruntés à la flore et à la faune des pays récemment découverts. Souvent, ne pouvant faire beau, ils faisaient riche et confus, tout en gardant une habileté technique extraordinaire. Puis vint une source d’inspiration facile mais antinationale ; la série des gravures des maîtres orfèvres allemands due à l’importation des facteurs. Cette diffusion fut considérable ; cent cinquante modèles de Jamitzer et de Virgil Solis d’abord, puis bientôt toute l’école, fournirent des élémens aux orfèvres, et nous reconnaissons la trace évidente de cette influence dans un grand nombre d’objets qui figurent à l’exposition de Lisbonne. Ce n’était pas encore assez ; Viruve arrivait en Portugal à travers la traduction de L. Alberti, et on publiait à Lisbonne le de Re edificatoria ; le moment allait venir, de 1530 à 1550, où une révolution complète devait se faire dans l’art du monument. Laurent de Médicis, sollicité par le roi Jean de Portugal de lui envoyer un architecte, avait décidé un grand artiste de son temps à accepter ces fonctions. Andrea Contucci, né en 1460 à Monte Sansovino, et qui devait plus tard donner son nom à l’un de ses élèves, un des plus nobles artistes de l’Italie, « le Sansovino, » devint pendant neuf années l’architecte et le sculpteur du roi de Portugal. L’auteur des beaux tombeaux de Santa Maria del Popolo et des bas-reliefs de la Santa Casa de Loretto, a laissé sa trace à Coimbra, à Santa Cruz, Son séjour en Portugal est contemporain des