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37 millions d’hommes. Mais s’il était bien cultivé, si toutes les terres arables étaient ensemencées, si toutes les terres non productives étaient défrichées, il pourrait en nourrir le double et fournir du travail à un nombre double d’agriculteurs.

Supposons même que le sol français soit devenu insuffisant à la population française. Supposons encore, ce qui est tout aussi erroné, qu’il soit impossible de dépasser, soit la production agricole de la France, soit le nombre des travailleurs vivant du travail de la terre. Ne reste-t-il pas encore d’immenses étendues de terrains ouvertes à l’activité de nos compatriotes ? L’Algérie, la Cochinchine, toutes nos colonies, nous offrent des ressources merveilleuses, et une population dix fois plus dense que la population actuelle pourrait y vivre facilement.

Laissons de côté les colonies trop lointaines, et ne parlons que de celle qui est le plus près de nous. En effet, l’Algérie est peut-être la seule colonie où l’élément français puisse prospérer. La population y a crû très rapidement. Il y a, en effet, à peine cinquante ans que l’Algérie est une terre française, et déjà une population européenne assez nombreuse s’y est implantée.

Quelques chiffres montreront la rapidité de cet accroissement.


1831 3,228 1856 169,186
1836 14,561 1861 205,888
1841 37,374 1866 235,222
1845 95,321 1872 291,173
1851 131,283 1876 353,639

Ces chiffres sont assez éloquens pour exprimer le développement extraordinaire de notre colonie méditerranéenne. En vingt ans, de 1856 à 1876, elle a doublé ; de sorte que, si son accroissement reste le même, dans le siècle qui suivra, il y aura en 1976, dans le nord de l’Afrique, une population d’environ dix millions d’Algériens (Français, Espagnols, Italiens, Maltais, Israélites).

Dans ce mouvement de colonisation africaine, trop lent encore à notre gré, l’immigration joue évidemment un rôle considérable ; mais l’excédent des naissances sur les décès y a sa part aussi. C’est là un point d’une extrême importance et qui mérite d’être relevé ; car l’avenir de l’Algérie dépend plus encore de l’accroissement des naissances algériennes que de la continuation d’un courant d’immigration.

En étudiant, pour les Français de France, le rapport des naissances aux décès, nous avons vu que pour 1,000 décès il y avait environ 1,140 naissances (moyenne de 1861 à 1873), soit pour 1,000 habitans environ 23 décès et 26 naissances, en chiffres ronds. Si l’on établit la même proportion pour les Français d’Algérie, on constate