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L’exécution est digne du coloris. Remarquez le rendu de cette poitrine Jeune, où la clavicule est discrètement accusée sous là peau, et le délicat modelé des jambes moulées dans la soie transparente du maillot.


III

Peut-être M. Jean-Paul Laurens aurait-il dû s’en tenir aux tableaux de dimension moyenne qui ont fondé sa renommée. Nous n’avons point retrouvé dans les Emmurés de Carcassonne ni même dans la Mort de Marceau l’émotion et la grandeur pathétique de l’Excommunié, du Pape Formose, de l’Interdit. Ces caractères, nous ne les retrouvons pas davantage dans les Derniers Momens de Maximilien. Quel mauvais génie a refroidi cette imagination dramatique et retiré le don de vie à ce pinceau véhément ?

La scène se passe dans une cellule du couvent des Capuchinas, à Queretaro, qui depuis le commencement du procès sert de prison à l’empereur. La porte massive, dont les ais sont maintenus par de gros clous à tête saillante, s’ouvre et donne passage à un officier de l’armée républicaine portant l’ordre d’exécution. Le Mexicain se montre à Maximilien, et attend, le large sombrero sur la tête, immobile et impassible. Au centre du tableau, est l’empereur formant groupe avec un prêtre qui pleure et avec un serviteur qui, agenouille aux pieds de son maître, lui baise la main. Cette composition vise à la grandeur ; nous ne pensons pas qu’elle y atteigne. Tout d’abord, cet homme qui va mourir et qui, déjà dégagé des choses d’ici-bas, console le prêtre au lieu de recevoir de lui les suprêmes exhortations, est une conception d’un beau sentiment ; mais n’est-elle pas devenue banale à force d’avoir servi ? Il en est de même du valet de chambre prosterné en larmes aux pieds du souverain. On reconnaît trop le Parry de Charles Ier, le Cléry de Louis XVI. M. Jean-Paul Laurens a-t-il peint dans sa majestueuse élégance et dans sa physionomie étrange où à la noblesse d’un paladin s’alliait l’air inspiré d’un illuminé, Maximilien de Habsbourg-Lorraine, archiduc d’Autriche, empereur du Mexique ? A voir ce corps lourd, sanglé dans une redingote marron, et cette face sans éclair, on prendrait volontiers le condamné, si ce n’était le collier de la Toison d’or qu’il porte au cou, pour un tailleur anglais. Aussi bien, ce n’est pas par la distinction des types que s’affirme généralement le talent de M. Jean-Paul Laurens. En même temps qu’un effet dramatique, ce peintre a cherché avec complaisance un effet de lumière. Les mure gris de la cellule sont perdus dans la pénombre, et c’est par la porte qui s’ouvre que la lumière fait brusquement irruption, éclairant le groupe de l’empereur et du prêtre et projetant sur la porte, avec la