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transportation à vie, et ils furent complètement graciés quelques années après. Le gouvernement de la reine Victoria, comme celui du roi Louis-Philippe, n’a jamais eu de goût pour la peine de mort en matière politique.

L’échauffourée de Newport décida le cabinet Melbourne à prendre une attitude plus énergique. Les chefs du parti chartiste furent arrêtés dans toute l’Angleterre, sauf ceux qui, comme Feargus O’Connor, étaient couverts par l’immunité parlementaire. La fameuse convention nationale fut dissoute. Exaspérés par ces mesures, auxquelles ils ne s’attendaient pas, les chartistes se retournèrent contre le cabinet whig, et dans les élections de 1841, ils s’allièrent aux conservateurs pour faire échec à lord Melbourne et à ses collègues. Le cabinet de Robert Peel était à peine formé que l’agitation recommençait. En 1841, pétition revêtue de un million trois cent mille signatures, réclamant la charte du peuple et une amnistie générale pour les délits politiques. En 1842, nouvelle pétition, signée, disait-on, par trois millions trois cent dix-sept mille personnes : les listes de signatures firent leur entrée au parlement sur les épaules de seize hommes. Pendant ce temps, Feargus O’Connor, dans un journal qu’il avait fondé, l’Étoile du Nord, excitait le peuple à l’insurrection. En province, des journaux du même genre lui faisaient écho. Le gouvernement pensa qu’au lieu d’attendre les désordres, il était préférable de les prévenir. Il demanda et obtint de la chambre une autorisation de poursuites contre O’Connor. Le procès aboutit à un acquittement. Néanmoins, l’agitation chartiste se calma pour quelque temps, soit qu’elle se fût lassée par sa propre violence, soit qu’elle fût intimidée par l’attitude du gouvernement.

Un autre agitateur, infiniment plus habile et plus redoutable que Feargus O’Connor, venait de rentrer en scène. Pendant toute la durée du cabinet Melbourne, O’Connell s’était montré assez conciliant et n’avait fait d’opposition qu’autant qu’il en fallait pour conserver sa popularité. Par le fond de ses opinions, il se rapprochait des whigs et il avait de bonnes relations personnelles avec quelques-uns des chefs du parti libéral. Au contraire, il détestait les conservateurs et il en était détesté. La rentrée de Robert Peel au pouvoir lui rendit toute l’ardeur de sa jeunesse. Il se jeta de nouveau dans la lutte et prit pour drapeau le mot magique de repeal.

Le repeal ! c’était le rêve caressé par tous les patriotes irlandais, par les protestans comme par les catholiques. C’était la destruction de cette union législative de la Grande-Bretagne et de l’Irlande que Castlereagh avait fait voter en 17Ô9 par un parlement vénal au milieu d’une population terrorisée. Le repeal ! c’était l’Irlande restant sous le sceptre de la reine Victoria, mais redevenant un royaume séparé, avec sa vie propre et ses institutions spéciales ;