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qui se traduisait par des votes hostiles à toutes les mesures proposées en faveur de l’Irlande.

Le ministère ne trouva pour sortir de cette situation d’autre moyen que de transiger avec ses adversaires. Heureusement le parti conservateur avait à sa tête un homme essentiellement modéré. Grâce à l’esprit conciliant de Robert Peel et malgré la résistance des tories extrêmes, on put enfin établir en Irlande une loi des pauvres. Grâce à ce même esprit conciliant, on finit par régler la fameuse question des dîmes irlandaises. Seulement il fallut faire des concessions, — une surtout bien humiliante. On renonça à la sécularisation partielle des revenus de l’église anglicane. Le bill présenté par lord John Russell en 1838 transformait la dîme en une rente de 70 pour 100 de sa valeur avec garantie de l’état ; il contenait en outre une « clause d’appropriation » pour l’emploi de l’excédent. Au cours de la discussion, Russell consentit à élever Is valeur de la rente de 70 à 75 pour 100, ce qui était sans grande importance. Il consentit, ce qui était plus grave, à effacer la clause d’appropriation, c’est-à-dire le principe de la sécularisation partielle. Ainsi modifié, le bill de Russell était identiquement le même que celui de Peel, repoussé trois ans auparavant. Les libéraux s’infligeaient donc un démenti absolu. Pour renverser Robert Peel, ils avaient déclaré qu’aucune loi sur les dîmes irlandaises ne serait satisfaisante si elle n’admettait pas le principe de la sécularisation. Et pour faire passer une loi sur les dîmes, ils transigeaient avec Robert Peel et lui sacrifiaient le principe de la sécularisation. Ce compromis donna trente ans de répit à l’église anglicane d’Irlande. La question se posa de nouveau en 1868. Cette fois, l’heure des solutions radicales avait sonné. Les demi-mesures et les compromis furent écartés. Robert Peel avait sauvé l’église anglicane d’Irlande de la sécularisation partielle ; Gladstone lui imposa la sécularisation complète.

Au milieu des discussions et des tiraillemens qui précédèrent la compromis de 1838, un changement de règne était survenu. Le 20 juin 1837, Guillaume IV était mort et sa nièce Victoria, fille unique du feu duc de Kent, avait été proclamée reine du royaume-uni de Grande-Bretagne et d’Irlande. Le règne court et agité de Guillaume IV avait ouvert pour l’Angleterre la période des grandes réformes, destinée à se poursuivre sous le règne plus long et plus heureux de Victoria. Différence à noter toutefois : Guillaume IV était resté étranger, sinon hostile, aux progrès accomplis, sous son règne ; Victoria, sans sortir de son rôle constitutionnel, devait s’associer aux aspirations de son peuple et aux idées de son temps.