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maisons européennes sont en voie de construction. On peut prévoir que des négocians européens s’y établiront bientôt, car, par sa position tout à fait centrale dans l’Oued-Rir, au milieu d’une oasis considérable, Tougourt est un point extrêmement important, qui sera, comme l’a été autrefois sa voisine Temassinin, une ville de commerce très florissante. Ce qui empêche peut-être les Européens de s’y établir, c’est qu’en été la fièvre y est assez fréquente et assez grave. Cette fièvre est due probablement à la présence des lacs marécageux situés dans l’oasis. Mais il n’est pas douteux que par des digues, des dragages, et surtout par le développement de la culture, on parviendra à rendre le climat de Tougourt aussi sain que celui des autres oasis du Sahara.

Notons aussi qu’à Tougourt il y a déjà, depuis deux ans, une école française arabe. Ces écoles sont un excellent moyen de pacification et de colonisation. Les jeunes enfans apprennent, grâce aux soins d’un maître dévoué, les élémens, et, jusqu’à un certain point, l’usage de notre langue. Les services que peut rendre cette institution sont plus importans qu’on peut le supposer tout d’abord. Nous citerons comme exemple l’école de Biskra. Là, en effet, depuis près de trente ans, il s’est trouvé un homme dont le zèle ne s’est jamais démenti. M. Colombo s’est adonné tout entier à cette tâche généreuse de l’instruction des indigènes. Aussi a-t-il fait un grand nombre d’élèves qui parlent plus ou moins bien le français et qui sont répandus à Biskra et dans les environs. C’est pourquoi le nom de M. Colombo est, à juste titre, vénéré par tous les nabi tans de l’oasis. Ils réunissent dans une commune admiration M. Colombo et M. Jus ; l’un leur donne les bienfaits de l’instruction, l’autre sait creuser les puits qui seuls peuvent assurer la fertilité des palmiers.

Ce que M. Colombo a fait à Biskra, on a projeté de le faire à Tougourt, et il n’est pas douteux qu’on réussisse comme il a réussi, c’est-à-dire qu’on parvienne à répandre l’usage de la langue française. En effet, les petits enfans arabes sont doués d’une facilité très grande pour apprendre notre langue, et au bout d’un an ou deux de fréquentation de l’école, ils finissent par la parler avec assez de correction. Voilà, certes, un excellent moyen de répandre l’influence française. C’est une belle idée, bien démocratique et patriotique, que de mettre les écoles au rang des moyens de colonisation. L’idée d’établir renseignement français dans une ville arabe et de faire que la première maison française construite soit une école, est une idée audacieuse, mais féconde, et qui dans un avenir très prochain donnera d’excellens résultats.

Les écoles, les puits, le chemin de fer, ce n’est pas cela seulement qui dans un bref délai va développer et civiliser l’Oued-Rir. Une autre grande entreprise sera peut-être réalisée. Les lecteurs de la Revue connaissent le magnifique projet du commandant Roudaire. Si l’on