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ligne directe. Aussi la route des caravanes fait-elle d’ordinaire d’assez longs détours, qui lui sont, pour ainsi dire, imposés par L’existence de tel ou tel puits, de telle ou telle source.

L’Oued-Rir, parmi les autres régions du Sahara, est recommandable par la grande quantité d’oasis. Tout se passe comme s’il y avait, d’Ouargla au chott Melrir, un fleuve souterrain dont les eaux vont s’écouler dans le grand chott, et qui, s’échappant de place en place des entrailles de la terre, va porter à la surface la fécondité. De là peut-être cette succession d’oasis qui, à peu de distance l’une de l’autre, suivent la route directe qui va d’Ouargla à Ourir. D’Ourir à Biskra, c’est le désert dans toute sa sécheresse et sa stérilité. D’Ourir à Ouargla, sur une étendue de près de 250 kilomètres, le désert est interrompu par des puits ou des sources, autour desquelles viennent croître les palmiers.

Quelques-unes de ces sources sont naturelles ; d’autres, au contraire, et les plus nombreuses, ont été creusées par la main de l’homme. Ici nous touchons à une des questions les plus importantes, la plus importante même de la civilisation européenne dans le Sahara, c’est-à-dire à la création des puits.

Depuis longtemps les populations clair-semées qui vivent dans le désert ont su utiliser une des plus merveilleuses propriétés de leur sol. Cette terre, dont la surface est si aride, contient dans ses profondeurs des nappes d’eau considérables, il suffit de déchirer la croûte plus ou moins épaisse qui les recouvre pour faire apparaître cette eau bienfaisante. Ces nappes d’eau souterraines ne sont pas spéciales au Sahara. On les retrouve dans les autres déserts. Il est probable qu’autrefois, à des époques extrêmement reculées, les habitans de la haute Égypte avaient su creuser le sol pour en faire jaillir l’eau. Comme le dit avec raison M. Charles Martins, dans un travail excellent qui a paru ici même (1er août 1864), la légende de Moïse faisant, dans la péninsule de Sinaï, sortir l’eau en frappant le rocher avec sa baguette, n’est qu’une fiction poétique créée par l’imagination orientale pour expliquer quelque chose comme le creusement d’un puits. « Vous frapperez la pierre, dit le Seigneur à Moïse, et il en sortira de l’eau, afin que le peuple ait à boire. »

De nos jours, ce miracle biblique se répète incessamment, et il suffit de frapper la pierre pour qu’il en sorte de l’eau. Avant l’invasion française, les Arabes avaient institué une sorte de compagnie d’ouvriers mineurs qui savaient piocher dans le sable, protéger les parois de l’entonnoir ainsi formé avec des troncs de palmier, et arriver enfin jusqu’à la limite où coule la nappe souterraine. Ce n’étaient là que des moyens grossiers ; car, dans ces conditions, bientôt le sable retombe et comble le puits, et l’eau ne jaillit jamais, ni aussi limpide, ni aussi abondante que lorsqu’on emploie les procédés perfectionnés que