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LES BŒUFS DU MORT.


Lorsque le vieux bouvier sera mort, le cœur gros
De s’en aller avant la semaine prochaine,
Dans le sapin léger couchez-le sur Le dos, —
Puis, attelez ses bœufs pour traverser la plaine.

Par la coulée -étroite et d’ombre toute pleine,
Joyeux du peu de poids que pèseront ses os,
Ceux qu’il a tant menés dans le champ de la peine
Le mèneront enfin vers le champ du repos.

Dans l’ornière où l’essieu grince comme une meule
Ils iront prudemment, de leur pas doux et veule,
Étonnés de celui qui tiendra l’aiguillon : —

 — Faites la croix bien haute, afin qu’un nouveau maître
Au-dessus du mur bas l’aperçoive peut-être,
Et la donne pour guide à leur premier sillon.

BORRELLY.