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SOUS LES LIS.


Sous les lis, les grands lis, — par l’arrêt du destin, —
La Princesse dormait son long sommeil magique ;
Les clochettes d’azur, de leur douce musique,
La berçaient tout le jour et du soir au matin.

Elle rêvait d’un Prince ; et leur timbre argentin
Chantait avec son âme en phrase mélodique,
Et le songe avivait son visage mutin
D’un petit ton rosé plein de grâce pudique.

Et voilà que, vainqueur des mauvais sorts divers,
Déjouant les périls ou passant au travers,
Le beau prince apparut, à cheval, dans l’aurore :

Et le vent agita les grands lis doucement,
Et son souffle éveilla la « Belle aux lis dormant : »
Tout bas les fleurs chantaient pour la bercer encore…


IL NEIGE.


Là-haut, dans l’air jauni frissonne une pâleur,
Et, flocon à flocon, s’émiette l’avalanche ;
Sous le jour tamisé d’un soleil sans chaleur,
Pas d’ombres : — tout est neige ou découpure franche.

Abritant à son pied des restes de couleur,
Le mélèze se dresse en pyramide blanche,
Tandis que, sur l’ormeau, la plus petite branche
Semble sous les frimas une aubépine en fleur.

Et la neige descend, droit et dru, cotonneuse,
Assourdissant le sol à grands plis nivelé ;
Nul bruit ne vient troubler la paix silencieuse :

Tout au plus un moineau piaille, désolé,
Qui, tout bourru de plume et bientôt envolé,
Imprime sur le givre une patte frileuse…