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couleurs qu’elle exigeait. Quant au réalisme, c’est un mot qui ne m’égaie pas ; je n’ai d’ailleurs jamais pu le comprendre et ce qui me console, c’est que ceux qui en ont plein la bouche le comprennent aussi peu que moi. Dans mon opinion, un seul art existe, et cet art a les bras aussi larges que la miséricorde de Dieu. Dans l’embrassement de cet art, il y a l’idéalisme, qui, lui aussi, est une forme du vrai, car l’homme est moitié mathématicien, moitié rêveur. Il y a de plus l’école de l’art utile, il y a aussi celle de l’art pour l’art, il y a encore le sentiment, la poésie, la satire, en un mot l’homme entier. En revanche, l’affectation, l’exagération, le parti-pris de trouver tout beau ou tout laid, de chercher toujours le parfait ou de chercher toujours le pire, voilà seulement ce qu’il n’y a pas. » M. Farina parle d’or. Il avait donc une idée en tête : il songeait à prouver que, pour réussir une bonne action, il ne suffit pas de la vouloir, il faut encore être digne de la faire. Maxime un peu dure peut-être, mais nous vivons dans un temps où il est nécessaire de frapper fort. Pour mettre cette morale à la portée de tout le monde, l’auteur a imaginé un roman intitulé : Cheveux blonds (Capelli biondi). Ces cheveux blonds appartiennent à une jeune fille, nommée Grazietta, qui va les livrer à un perruquier pour payer un médicament à sa mère mourante. Un passant se trouve dans la boutique, juste à point pour empêcher le marché ; il achète les cheveux de la jeune fille et les lui laisse, n’en coupant pour lui qu’une mèche qu’il gardera. Grazietta retourne donc, avec sa chevelure intacte, ou à très peu de chose près, au chevet de sa mère. Mais le passant, touché au cœur, veut revoir la pauvre fille ; il la cherche longtemps, la retrouve et, séduit par son innocence, il se promet de la protéger chastement, sans lui demander rien. Hélas ! le passant est un viveur qui frise la quarantaine et qui a sali sa vie dans les mauvais lieux : il ne mérite pas la bonne action qu’il veut faire. Il y a encore une sœur de Grazietta qui veille et cherche à l’éloigner des tentations ; mais cette sœur, indigne aussi de bien agir, est une courtisane : en voyant le viveur chez la jeune fille, que fait-elle pour la sauver ? Elle se donne à lui. La pauvre enfant, déjà malade, meurt de phtisie, de chagrin peut-être ! Tout cela est navrant : l’idée logique est suivie avec une inflexible rigueur. On sent toutefois que l’auteur ne connaît pas bien le vilain monde où il nous mène : il le décrit par ouï-dire, et on ne lui a pas tout dit. Peut-être ne l’a-t-il regardé qu’en se voilant la face. La courtisane qu’il nous montre ne ressemble au métier qu’elle fait ni par son langage, ni par ses allures, ni même par ses sentimens, car elle en a de très nobles : on dirait que toute cette mauvaise compagnie se gêne un peu devant l’auteur qu’elle ne veut pas scandaliser. La