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des malades, étendait le traitement à domicile, réformait les hôpitaux et les hospices, sans oublier les aveugles, les sourds-muets et les aliénés. Le service de l’assistance publique suivait enfin la vie du pauvre depuis sa naissance jusqu’à sa dernière heure pour lui donner sous toutes les formes le courage et les forces dont le dépouillent peu à peu la misère, l’âge ou la maladie.

En vouant tous ses soins à la préparation de ce vaste plan, M. Dufaure éprouvait une des jouissances les plus pures de sa vie politique, celle qui, entre toutes, lui faisait aimer le pouvoir, parce qu’il se sentait alors dans les mains une baguette magique capable d’opérer le bien. Aux discours des représentans qui siégeaient à la montagne il aimait à répondre par des efforts féconds qui mettaient en œuvre cette fraternité qu’il prenait au sérieux. Mais c’était là l’emploi de bien rares heures de repos. Il fallait faire tête chaque jour aux plus violentes attaques : tantôt Félix Pyat et ses amis cherchaient à diviser la société en deux classes pour les précipiter l’une contre l’autre, et le ministre de l’intérieur, faisant le tableau des efforts de l’assemblée pour pacifier les esprits, montrait l’action abominable de ce parti de la haine voulant animer les citoyens à la guerre civile et les enivrant de mauvaises passions pour empêcher à tout prix la concorde de renaître ; tantôt il devait repousser des interpellations, l’accusant d’employer les forces gouvernementales en faveur d’un des candidats à la présidence.

La date fixée pour l’élection du président approchait. Tandis que les amis et les collègues du général Cavaignac estimaient qu’en le nommant la France confierait le pouvoir au vainqueur de l’insurrection de juin et à une conscience éprouvée, une autre candidature avait surgi et prenait depuis peu une importance considérable. Avant le milieu de septembre, nul ne pensait au héros des équipées de Strasbourg et de Boulogne. Nommé représentant dans une élection partielle, il vint s’asseoir un jour à l’assemblée, puis s’abstint avec soin d’y reparaître, afin de ne pas s’y trouver compromis dans les querelles des partis. Son nom était le symbole de la force. Cela suffit à lui donner une importance en un moment où la nation, exaspérée par la vue de l’anarchie, était affamée d’ordre. Dans l’assemblée nationale, en majorité favorable au général Cavaignac, le nouveau prétendant n’avait que peu de partisans avoués ; mais il y avait sur les bancs de l’extrême gauche des représentans qui étaient prêts, par haine contre le vainqueur de juin, à attaquer à son profit les ministres du général Cavaignac, M. Dufaure eut à réfuter leurs insinuations et leurs critiques, en même temps qu’il repoussait au nom de la liberté une loi d’inéligibilité que proposait un groupe nombreux, afin d’écarter à la dernière heure le membre d’une dynastie déchue.

Si le ministre de l’intérieur mettait le plus grand soin à