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francs ! on se plaint de ce que le gouvernement a fait un pas vers des hommes qui n’étaient pas républicains la veille du 24 février, — cela est vrai et je suis forcé d’en convenir, — mais qui ont accepté la république, qui s’y sont attachés, qui se sont voués à la défendre ! » Il reconnaissait volontiers qu’il y avait deux groupes dans l’assemblée : « les uns ont de tout temps travaillé à l’établissement de la république ; d’autres s’attachaient au gouvernement qui existait, cherchaient à lui faire produire ce qu’il aurait pu produire et en institutions politiques et en améliorations sociales ; ils n’ont pas pu réussir, ce n’est pas leur faute ; mais enfin ce n’était pas à l’idée de la république qu’ils recouraient ; ils se contentaient de la monarchie constitutionnelle améliorée, agrandie. Eh bien ! que reproche-t-on, en réalité, à la composition du cabinet actuel ? Une seule chose : c’est que les deux élémens que je viens de définir y sont entrés. » M. Dufaure n’avait pas cherché à déguiser son passé : il y avait mis sa rude franchise ; mais cela ne suffisait pas, il fallait un programme.

Ce qui fait le caractère particulier de la république de 1848, ce sont les souffrances profondes des classes ouvrières. Ayant pour point de départ la disette de l’année précédente, la misère avait contribué au succès de l’insurrection. Loin de la guérir, la révolution, qui suspendit partout le travail, en redoubla les rigueurs. C’est ainsi que, quand les salaires se maintiennent à des taux élevés, la question sociale disparaît ; au milieu de la prospérité, les étourdis se réjouissent : « Tous nos maux sont guéris, disent-ils. Le peuple est devenu sage. » Vienne une grève ou une crise industrielle, les mêmes utopies et les mêmes périls menaceront la société. Pendant que les rêveurs cherchaient des panacées, M. Dufaure s’appliquait à trouver des remèdes : il y pensait sans relâche et pouvait dire au nom du cabinet : « Sous ce rapport, nous ne connaissons pas de républicains de la veille qui éprouvent pour ces souffrances sociales des sympathies plus profondes et plus sincères que les nôtres. » Il consacrait alors tous ses soins à la préparation d’une loi qui devait embrasser toute l’assistance publique. En la présentant le 27 novembre, il disait à l’assemblée : « Vous avez écrit au préambule de la constitution un mot nouveau dans la langue des lois. Pour la première fois, le précepte chrétien qui a renouvelé la face du monde, il y a dix-huit cents ans, devient la base de tout un code administratif. » Il prenait dans ce projet l’enfant au seuil de la vie, le recevait dans la crèche, l’accueillait dans la salle d’asile, ouvrait aux indigens l’école primaire gratuite, organisait l’éducation des enfans trouvés, créait des écoles professionnelles et des écoles correctionnelles, réorganisait les bureaux de bienfaisance, s’occupait