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donnât la préférence sur toutes les autres formes du concours de l’état. L’avenir devait singulièrement justifier ses prévisions[1].

La révision de la législation sur l’expropriation fut accomplie en même temps. Les inconvéniens de la loi de 1833, les lenteurs de ses procédures appelaient une prompte réforme. La commission pénétra dans le mécanisme de la loi pour en corriger toutes les imperfections. Parmi les innovations, la plus importante était la création de moyens spéciaux pour permettre à l’état, en consignant le prix attribué aux propriétaires, de se mettre, en cas d’urgence, en possession des terrains. À vrai dire, c’était une édition révisée de la législation pratiquée depuis six ans. M. Dufaure tenait pour indispensables ces révisions inspirées par l’expérience et qui, loin d’ébranler l’autorité des lois, servent à les consolider. Il avait été frappé de ce que valaient en Angleterre ces lois d’amendement qui redressent les pratiques tout en maintenant les principes ; en présentant le projet à la chambre des pairs, il était heureux de confier à son expérience un tel genre de réformes.

Pendant l’automne de 1839, le ministre des travaux publics ne se borna pas à préparer les projets qui devaient imprimer une si heureuse impulsion à l’activité nationale ; il suivait personnellement les grandes entreprises qui se rattachaient à son ministère. Non-seulement il posait la première pierre de l’hospice des Jeunes-Aveugles, achevait la colonne de Juillet, surveillait l’extension de l’hôtel des Sourds-Muets, la construction de l’asile des Aliénés, mais il inspectait lui-même les progrès des grands travaux qu’il avait défendus à la chambre ; il ne se passait pas une semaine sans qu’il se rendît sur l’un des chantiers ouverts a Ivry, aux Batignolles et à Asnières, afin d’encourager par sa présence les ingénieurs et de presser l’achèvement des voies de communication qui contenaient en germe toute une révolution.

Ces entreprises, qui satisfaisaient à la fois son amour du bien et l’inclination qu’il avait pour les créations nouvelles, n’absorbaient pas à ce point son esprit qu’il ne fût très mêlé à la politique active du cabinet. Le sentiment de la solidarité ministérielle était trop développé à cette époque pour que les ministres fussent tentés de s’isoler et de s’abstraire dans leur spécialité. Plus d’une fois, il eut à défendre ou à engager la politique du ministère. Il intervint dans les affaires d’Algérie pour déclarer que le drapeau français n’abandonnerait pas la régence, multiplia les projets relatifs à nos possessions africaines, et ne se montra satisfait que lorsqu’il eut fait voter,

  1. Nous devons au dernier survivant de la grande commission de 1839, à M. Valentin Smith, qui en était le secrétaire, la communication de précieux manuscrits dans lesquels revivent des discussions que les procès-verbaux imprimés ont tronquées, abrégées ou obscurcies en omettant les noms des orateurs.