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Ce fut avec un esprit parfaitement libre de toute arrière-pensée qu’il discuta le projet présenté par M. Guizot pour consacrer la liberté d’enseignement. Il était de ceux qui souhaitaient sincèrement l’entrée dans nos lois de cette liberté promise par la charte. Il avait hâte de voir tenu l’engagement pris en 1830 ; il prit une large part à la délibération. Comme M. Saint-Marc Girardin, dont le rapport avait exercé sur la chambre une profonde influence, il crut au cours de la discussion que l’instruction secondaire en France allait faire un pas décisif vers l’affranchissement. Cette sage conciliation entre l’Université qu’il voulait maintenir et la liberté qu’il s’agissait de fonder à côté d’elle aurait pris naissance en notre pays quatorze ans plus tôt et serait sans doute entrée dans nos mœurs, si des passions jalouses n’en avaient, au dernier moment, altéré le caractère en inspirant le vote d’un article qui excluait les religieux du bénéfice de la loi. L’ensemble du projet fut voté, mais il était atteint d’un coup mortel. Après les espérances qu’avait conçues M. Dufaure, la déception était rude. Ce n’était pas la dernière que devaient causer aux libéraux les questions relatives à la liberté d enseignement.

M. Dufaure demeura étranger aux premières attaques contre le ministère Molé. Absorbé par ses travaux parlementaires, membre de toutes les commissions de travaux publics, rapporteur de quelques-unes, il préférait de beaucoup les débats d’affaires aux combinaisons secrètes qui sont dans les assemblées l’unique préoccupation des esprits étroits. Il secondait les grands projets sans se soucier des critiques mesquines de son parti. Avec un profond attachement aux traditions, il était rare de rencontrer une ardeur d’imagination plus aisément prête aux nouveautés. Loin de s’alarmer des découvertes, il aimait à en mesurer l’avenir et se plaisait à prévoir ce qu’elles apporteraient à l’homme de force pour le bien. Aussi fut-il, dès 1837, rapporteur du projet de chemin de fer de Lyon à Marseille. Il commençait ainsi des études qu’il devait mener fort loin.

Ces travaux, qui en apparence l’éloignaient de la politique, loin d’affaiblir son influence, l’avaient en réalité accrue. Réélu aux élections de novembre 1837, pour la première fois membre de la commission de l’adresse, il prit la parole pour définir le rôle de la nouvelle chambre. À ceux qui attisaient les querelles personnelles il répondit en suppliant ses collègues de se dégager des compromissions du passé et de se tourner vers l’avenir. M. Dufaure était sur les confins des deux camps et il employait tous ses efforts à prévenir la rupture en défendant auprès de ses amis la politique de M. Molé. Il avait hautement approuvé l’amnistie, était satisfait de la conversion ; la plupart des lois présentées lui semblaient bonnes. Tout au