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par le duc d’Albe, avec Genlis, leur général. Catherine, chose horrible, alla assister avec Charles IX et Henri de Navarre, aux flambeaux, deux mois après la Saint-Barthélémy, à la pendaison de Briquemaut, jugé comme complice du crime de lèse-majesté dont on chargeait la mémoire de Coligny, pour excuser son assassinat. Catherine avait en vain essayé, par toute sorte de promesses, de faire avouer à Briquemaut que Coligny conspirait contre le roi. Le vieux soldat ne se déshonora point par un mensonge ; la reine lui avait promis de rendre la noblesse à ses enfans, il aima mieux leur laisser l’honneur. Catherine voulait continuer la politique de Coligny sans Coligny, s’appuyer des réformés étrangers contre l’Espagne. Mais qui pouvait avoir confiance en elle ? Elisabeth d’Angleterre s’en défiait désormais comme Philippe II. Les Guises insensiblement devenaient les maîtres ; la mort de Charles IX donnait à la reine mère un pouvoir qui n’était absolu qu’en apparence. Quand Henri III revint de Pologne en France, il trouva sa mère à Lyon, entourée des Guises. Ce fils préféré revenait après deux ans d’absence, comme une sorte d’aventurier couronné, jouet de deux favoris qui l’avaient suivi en Pologne et par eux séparé de tout le monde, de sa mère, de sa sœur Marguerite, de son beau-frère Henri de Navarre, occupé de folies, de fantaisies indignes d’un roi. Dépossédée du pouvoir par les mignons, la reine mère ne pouvait plus qu’assister, impuissante, aux folies de son fils. Le voyant sans enfans, elle songeait à donner la couronne au marquis de Pont, le fils de sa fille. François de Valois, qui avait tenté de pousser sa fortune dans les Flandres, avait été atteint d’une maladie mystérieuse et était mort à peine âgé de trente ans (juin 1583). Henri III était le dernier rameau de la tige des Valois, et le duc de Guise devenait petit à petit, sous ses yeux, le roi de France.

La paix de Nemours lui avait livré le royaume. En vain Henri de Navarre protesta contre un accord qui livrait à la Ligue Metz, Dijon, Nantes, Saint-Malo, les villes de la Somme et des Alpes. Il faut passer rapidement sur ces tristes temps, et arriver au drame qui fut le châtiment final de Catherine de Médicis. Elle avait habitué ses fils à l’idée du crime ; elle avait prémédité la mort de Coligny : Henri III allait bientôt lui apprendre qu’il avait bien profité de ses leçons. Arrivons au moment où le Balafré, devenu, en face du vainqueur de Coutras, le chef incontesté de la Ligue, quitte Nancy et arrive à Paris. Il y entre presque seul, mais un peuple en délire le porte pour ainsi dire au Louvre. C’est le nouveau Machabée, le juste qui arrive dans la cour d’Hérode ; on baise ses vêtemens, on les touche avec des chapelets. Il arrive ainsi tête nue, au pas. Il entre seul au Louvre. Catherine, déjà malade, s’y était fait conduire. Henri III fut