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intéressante quand elle nous promènera dans le dédale des huit guerres civiles qui suivirent jusqu’à la mort de Catherine de Médicis ? La guerre, en effet, devint bien vite l’état normal de la France ; les paix ne furent plus que de courtes trêves, les épées n’entrèrent que pour un instant au fourreau. Des deux parts, on s’habitua bien vite aux secours de l’étranger ; la vengeance et la haine entrèrent dans tous les cœurs et y étouffèrent tout autre sentiment. Catherine, si dégagée au début de toute passion violente, si maîtresse d’elle-même, si froide et par momens plus humaine que tout ce qui l’entourait, se hissa entraîner par degrés aux desseins et aux résolutions les plus criminelles. Une haine terrible avait lentement grandi dans son cœur, la haine de Coligny ; c’est lui qui était la cause de tous les malheurs de la France, lui qui avait entraîné le prince de Condé dans la rébellion et qui l’y avait rejeté quand il en voulait sortir, lui qui remplissait les églises de son orgueil et de son audace aristocratique, lui qui bravait le trône, lui qui ire craignait jamais d’appeler à son aide les princes protestans ; il était l’âme, la tête du parti protestant ; on ne pouvait rien contre sa dureté, sa vertu, son orgueil sans limites : il était l’ennemi de l’état.

De bonne beure, on voit naître dans Catherine cette haine instinctive d’abord, puis raisonnée ; elle a peur en même temps de l’amiral, elle n’en parle qu’avec des sous-entendus, à mots couverts : de temps en temps il se fait une échappée sur ses desseins. Quand Philippe II se plaint des complaisances de la reine pour d’Andelet, pour Coligny, celle-ci lui écrit : « L’amiral de Coligny n’est pas près de nous ; s’il vient, il sera ici comme s’il était mort, car, avec l’aide de Dieu, je ne me laisserai gouverner par personne. »

Nous croyons que la haine de Coligny fut le germe d’où sortit plus, tard ce tragique événement, le massacre de la Saint-Barthélémy. On a prétendu quelquefois que Catherine se résolut à ce massacre immédiatement après la première guerre civile et qu’elle poursuivit pendant des années ce farouche dessein. Rien n’est moins probable ; elle avait à ce moment dicté les termes de la paix à tout le monde. Nous la voyons donnera la veuve du héros catholique de grandes marques de sa faveur ; elle attire à soi les lieutenans du grand capitaine, telle forme avec dix enseignes de gens de pied une garde royale en trois régimens, sous Charry, colonel-général, qui lui est tout dévoué, et, plus tard, sous le vaillant Strozzi. Elle met tout en œuvre pour séduire Condé et pour l’arracher aux ministres ; elle rétablit l’autorité royale dans les provinces, enfin elle n’a jamais été plus pleinement reine, et elle profite du repos du royaume pour demander une entrevue à Bayonne à Philippe II. Cette entrevue de Bayonne a beaucoup occupé les historiens. On a heureusement