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couches alternatives de sable et de gravier, mêlés de coquillages marins et sur laquelle sont bâties la plupart des villes maritimes. Cette bande est adossée à un escarpement continu plus ou moins élevé et qui, suivant qu’il est constitué par des roches plus ou moins dures, se présente soit sous la forme de collines arrondies couvertes de gazon, soit sous celles de falaises abruptes avec leurs cavernes et leurs sinuosités pittoresques. Il n’est pas nécessaire d’être géologue pour reconnaître au premier coup d’œil que cet escarpement a été autrefois battu par les flots et qu’il longeait la mer. S’il s’en trouve aujourd’hui à une certaine distance, il faut ou que la mer se soit retirée par suite d’un abaissement de niveau ou que le sol se soit élevé d’une hauteur suffisante pour que les parties autrefois submergées soient actuellement au jour.

Un des exemples les plus frappans des mouvemens de l’écorce terrestre est celui que nous offre la formation des récifs de corail, qui sur une étendue de plus de 7,000 kilomètres, encombrent l’Océan-Pacifique. Ces récifs, de forme circulaire, sont groupés de façon à entourer des espaces de 80 à 100 kilomètres de diamètre et s’élèvent du fond des mers sur lequel ils reposent, souvent à une très grande profondeur. Ils sont dus au travail incessant d’innombrables polypiers, qui, bien que vivant dans l’eau, ne subsistent que près de la surface. On ne peut donc s’expliquer ces constructions prodigieuses que par l’hypothèse d’un immense continent qui, en s’abîmant dans l’océan, laissa d’abord émerger comme autant d’îles les sommets des montagnes ; à mesure que ceux-ci disparurent sous les flots, ils furent envahis par ces animalcules et devinrent la base de leurs constructions sous-marines, constructions qui vont sans cesse en s’élevant à mesure que la base sur laquelle elles reposent va elle-même en s’enfonçant davantage. Sur quelques points, les coraux s’élèvent au-dessus de la mer, mais comme ils n’ont pu être créés que sous l’eau, il faut bien admettre qu’ils en sont sortis par le fait d’un soulèvement, soit lent, soit subit, dû à quelque volcan. Les solitudes du Pacifique sont donc le théâtre de phénomènes qui constatent d’une manière irrécusable les oscillations de la croûte terrestre. Il n’est d’ailleurs pas un point du globe qui n’en fournisse des preuves aussi évidentes.

Les stratifications des diverses couches géologiques et les fossiles qu’elles renferment indiquent bien que les élémens dont elles sont composées ont été déposés au fond des mers. Quand à une première couche en succède une autre d’une nature différente, il est clair que ce changement n’a pu s’opérer qu’après une période pendant laquelle la première s’est trouvée émergée ; engloutie de nouveau, celle-ci a servi de base au dépôt de la seconde couche, qui, elle-même,