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beautés qu’il a découvertes dans, la réalité. André, d’ailleurs, on le reconnaît même dans ses dessins et c’est par là surtout qu’il se distingue dans l’école florentine, André est un coloriste. Avec ses intonations à la fois fortes et délicates, cette Vierge glorieuse en est une preuve suffisante ; par un accord heureux des plus rares qualités, elle justifie ce renom d’artiste irréprochable, senza errore, que de son temps déjà il avait mérité.

Dans, sa courte carrière, André del Sarto ai beaucoup produit. Cette fécondité est encore un des traits de sa nature. Mais peut-être aussi les exigences d’une vie besogneuse et mal réglée lui ont-elles imposé ce travail sans merci, peut-être même ont-elles contribuée sa mort prématurée. Tout n’est pas fiction dans ce qui s’est dit de la funeste influence qui pesait sur lui. On le comprend quand on voit ici, peinte par lui-même, L’esquisse d’une tête de femme que bien souvent on retrouve dans ses dessins, dans ses compositions, et dont le musée du Prado possède aussi un portrait terminé, antérieur de quelques années. Avec l’âge, les traits de Lucrezia della Fede se sont accentués, et l’aspect de cette beauté toute matérielle, avec sa large poitrine, sa robuste carrure, son étrange sourire et l’expression mal définie de ses petits yeux, n’a rien de rassurant, Tout en se défendant des préventions fâcheuses que le roman et la légende ont sans doute, un peu trop complaisamment propagées au sujet de cette femme, lorsqu’on rencontre à quelques pas de là, — les musées offrent parfois de ces rapprochemens, — le beau portrait où le Pontormo, un élève d’André, l’a peint avec sa pâleur, ses yeux, fiévreux, sa tête intelligente et pensive, on se dit qu’il y avait là une de ces unions mal assorties dont l’issue devait être fatale. André, en effet, mourait à peine âgé de : quarante ans, tandis que Lucrezia, qu’il avait épousée déjà, veuve, lui survécut près de quarante ans encore.

Après lui, l’école va rapidement décroître ; seule la peinture de portraits, qui à l’origine a si puissamment contribué à ses progrès, en retardera maintenant, la décadence. Le musée de Berlin est particulièrement riche en productions de ce genres, et Sébastien del Piombo, Franciabigio et surtout le Branzino y tiennent dignement leur place. Un Portrait d’Ugolino Martelli par ce dernier peintre est peut-être son œuvre la plus remarquable. La grande tournure, ce jeune homme avec sa taille svelte, son visage, pâle et allongé, son regard nif et profond et malgré la sévère simplicité de son costume, il a bien l’air d’un patricien, C’est, en effet, le fils d’une illustre famille florentine, et ce palais d’apparence austère, cette cour au milieu de laquelle il est assis et qu’ornait alors le David de Donatello, tout autour de lui, nous montre le luxe d’une noble race. Lui-même, le futur évêque de Glandèves, est un lettré : il tient d’une