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nous a valu le chef-d’œuvre du Louvre, daté de 1616. Antérieurs de deux ans à ce dernier, les deux petits paysages de Berlin : l’Été et l’Hivery sont aussi des merveilles d’exécution. La facture y est d’une vivacité singulière, et les eaux, les végétations, ainsi que les nombreux petits personnages qui animent ces deux compositions, touchés avec une spirituelle précision, dénotent un très rare talent. Van Goyen, qui a suivi de près Van der Venne, ne compte pas moins de sept tableaux à Berlin. Leurs dates, échelonnées de 1621 à 1650, nous révèlent pour cette longue période une pratique à peu près invariable, mais qui, en s’affinant, tend de plus en plus à simplifier les colorations et les lignes mêmes de ses paysages. La mystérieuse poésie de l’espace fait le principal intérêt de ses compositions, où les terrains se réduisent le plus souvent à une bande étroite, de part et d’autre de laquelle le ciel et l’eau étendent leurs profondeurs et leur immensité. C’est là d’ailleurs un des aspects les plus familiers de la Hollande, et si vous doutiez de la véracité de Van Goyen, Simon Vlieger, Salomon Ruysdael, et même deux peintres moins connus, R. de Vries et F. de Hulst viendraient ici, avec des données pareilles, confirmer la véracité de ses témoignages.

A côté de ces plages mélancoliques, les maîtres hollandais ont su trouver partout autour d’eux les inspirations les plus pittoresques. Sous les arbres mêmes du bois de La Haye, voici une multitude de cavaliers et d’animaux de toute espèce que P. Potter a réunis dans ce Départ pour la chasse qu’il a peint en 1652, deux ans avant sa mort. Malgré les petites dimensions des personnages et des bêtes, la vérité de leurs allures et jusqu’aux particularités de leurs physionomies sont rendues avec une finesse que bien rarement le peintre a dépassée. Malheureusement le paysage, traité avec la même minutieuse conscience, rapetisse la composition, et l’œil est offensé par la couleur de ses verdures, dont le ton bleuâtre est aujourd’hui aussi criard qu’invraisemblable. Au contraire, dans la Matinée d’été d’Ad. Van der Velde, la couleur est d’une harmonie délicieuse. Cette prairie, encore humide de rosée, ce tranquille horizon, ces eaux dont l’immobile miroir reflète un ciel pur, ce ciel lui-même au bas duquel des nuages commencent à se former et à s’arrondir comme au début d’une chaude journée, tout cela est exprimé avec une telle grâce dans le dessin et tant de limpidité dans les colorations qu’on se sent pénétré peu à peu par le calme et la sérénité de cette nature. Avec une lumière plus ambrée, le Cours d’eau d’Alb. Cuyp présente la même impression de calme. C’est l’heure radieuse, si chère au peintre, où le soleil qui décline transforme les objets les plus vulgaires en noyant leurs contours dans une vapeur dorée.

Nous ne nous arrêterons pas longtemps devant cette Entrée de