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contenter, n’a pourtant épargné ni son talent, ni sa peine, mais on voit qu’il n’a pas dû trouver grand plaisir à son œuvre, et son pinceau, plus indiscret qu’il n’aurait voulu, a trahi quelque chose de son ennui. Quel contraste avec l’intérieur hollandais de P. de Hooch, comme il est manifeste que le peintre, cette fois, a choisi son sujet et avec quel amour il l’a traité ! Ici, pas de richesse dont on songe à faire étalage. On n’a pas de temps à, perdre dans ce modeste ménage. Le mari est absent, sans doute occupé à son travail et la jeune mère, tout en achevant de lacer son corsage, envoie un regard de tendresse et un sourire d’adieu à un berceau d’osier dans lequel elle vient de replacer son enfant. Elle a maintenant un peu de loisir et va pouvoir reprendra sa tâche. Mais il ne faut pas réveiller ce marmot ; et gauchement, avec précaution, la petite sœur s’éloigne, suivie du chien familier qui, délogé de sa place favorite, bien à regret se lève et s’étire paresseusement. Déjà, l’ombre a gagné le tranquille réduit ; mais l’œil, en s’habituant à sa demi-obscurité peut encore découvrir tous les détails de l’humble mobilier, constater que tout y est en ordre, frotté, fourbi et entretenu avec amour. Et sachant où se poser parmi ces objets que tant de fois déjà elle a retrouvés en leur place accoutumée, la lumière elle-même se fait plus douce, plus transparente, plus affectueuse en quelque sorte, pour éclairer cette scène intime et relier entre eux dans un harmonieux accord tous les élémens de ce petit chef-d’œuvre où l’artiste a mis avec son cœur, le meilleur de son talent.

Van der Meer, ici, n’est point de qualité si haute, mais on trouve toujours à s’intéresser à ses recherches, bien que parfois elles déconcertent un peu par leur variété même. Tantôt, en effet, comme dans ses chefs-d’œuvre de Dresde et de la collection Six, il nous apparaît avec cette exécution forte et serrée et ces intensités d’intonation qui font de lui un coloriste tout à fait de premier ordre ; tantôt, au contraire, comme dans notre Dentellière et dans cette Jeune Femme à sa toilette, qui est au musée de Berlin son meilleur ouvrage, il se montre délicat, nuancé, fondu et il oppose des pâleurs grises et des tons amortis à quelques colorations plus franches, mais très discrètement réparties. On ne croirait pas avoir affaire au même peintre. Elle est charmante cette jeune dame, — avec sa robe gris perle et son caraco d’un jaune passé bordé d’hermine, — qui achève de s’ajuster en face de son miroir. La. toilette va être terminée ; il ne reste plus qu’à nouer un collier de perles autour de son joli cou, et la coquette, appliquée à cette grave occupation, semble tout heureuse de l’effet de sa parure. La douceur de la lumière, l’effacement des tons et de la facture donnent à ce gracieux tableau un aspect d’une distinction extrême. On se sent ici d’ailleurs en