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EMILE LITTRÉ

II.[1]
LA PHILOSOPHIE POSITIVE, SES TRANSFORMATIONS, SON AVENIR.

Quoi qu’il advienne du positivisme, qu’il subsiste dans ses grandes lignes ou qu’il aille se résoudre, comme je le crois, dans des doctrines plus radicales et plus simples, le nom de M. Littré rester indissolublement lié à son origine et à sa fortune. Ici encore, pas plus que dans les autres régions intellectuelles où il a marqué sa trace, l’érudition, les sciences physiologiques et médicales, l’histoire des langues et des littératures, on ne peut prétendre qu’il ait été inventeur. En aucun des domaines intellectuels où s’exerce sa robuste volonté, il ne révèle ce qui est en toute chose la grand« maîtrise, l’initiative des idées. Ces idées, il les rencontre, non sans des prédispositions secrètes, mais comme par hasard, dans les voies diverses où son activité errante est engagée ; il ne les produit pas de son propre fonds, il les découvre chez les autres, quelquefois tardivement. Mais alors il s’éprend d’elles avec une sorte d’enthousiasme grave ; il se les assimile, il y met l’empreinte puissante de son honnêteté ; il les répand avec un zèle de néophyte qui veut racheter le temps perdu par l’ardeur de la propagande. En même temps et du même coup, pour mieux se les assimiler, il les adapte

  1. Voyez la Revue du 1er avril.