Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 50.djvu/952

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du régime parlementaire ; c’est la faute de ceux qui faussent et dénaturent ce régime, qui en font un moyen de petites brigues et de manèges, un instrument de domination vulgaire et d’agitation stérile, qui ne peuvent se trouver quelques jours réunis sans créer aussitôt cette situation agaçante où l’on est réduit chaque matin à se dire : Que va-t-il encore arriver ? quelle institution va être mise en doute ? à quoi s’attaquera-t-on ? à quelles propositions nouvelles aura-t-on affaire aujourd’hui ? — C’est la faute de ceux qui se figurent que le régime parlementaire consiste à tout bouleverser et qui, en bouleversant tout, ne trouvent rien de mieux que de mettre au compte du pays leurs fantaisies et leurs passions. On se paie de cette banalité et on la répète. C’est le pays, dit-on un jour, qui a demandé la révision de la constitution ; c’est le pays qui demande qu’on touche à tout, qu’on détruise le concordat, qu’on désorganise la magistrature, qu’on rachète les chemins de fer, qu’on chasse les croyances religieuses des écoles, qu’on remanie incessamment les lois militaires. Le plus souvent le pays n’a rien demandé ; il ne demande que le repos, la paix protectrice du travail, et s’il paraît quelquefois déçu, s’il préfère encore au tapage inutile de sessions sans profit la tranquillité des vacances, c’est qu’il ne voit ni la réalisation de ses vœux, ni la satisfaction de ses besoins dans cette vaine agitation de législateurs qui ne mettent dans leurs œuvres que des passions de parti, des manies de destruction, st la stérilité d’esprits médiocres.

Les républicains, qui dominent depuis quelques années, qui dirigent tout bien plus que le gouvernement lui-même, n’y prennent pas garde : ils se perdent lentement dans l’opinion par l’âpreté jalouse de l’esprit de parti et par la médiocrité. Ah ! sans doute, il est commode et doux de se laisser aller aux jouissances du règne, d’accaparer les avantages du pouvoir, de se dire qu’on est enfin arrivé à disposer de la France, qu’on est le pays, qu’on parle pour lui et qu’il doit être content d’être si bien représenté et gouverné. Tous les partis ont eu de ces succès trompeurs ; ils en ont tous abusé et ils en ont tous péri. Les maîtres du jour ne se défendent pas de ces infatuations, de ces passions exclusives. Ils tiennent à leur domination, qu’ils prétendent exercer sans partage. Ils surveillent d’un regard soupçonneux le gouvernement qui pourrait avoir des oublis et se montrer trop libéral dans la distribution des fonctions, dans le choix des serviteurs publics. On n’a pas oublié le terrible orage que M. Gambetta a soulevé dans son passage au pouvoir pour avoir appelé M. le général de Miribel au poste de chef ’d’état-major, et quelques autres hommes de talent à des fonctions supérieures. M. Gambetta, pour cette fois, avait compté sans son parti, qui lui aurait peut-être pardonné de tout désorganiser, qui ne lui a pas pardonné de froisser ses passions exclusives. Hier encore, pas plus tard qu’hier, c’était le même orage à propos d’un des plus intrépides offi-