On mène grand bruit des réformes politiques. Il n’est pas de gouvernement ni de parlement qui ne s’imagine que des lois nouvelles, des décrets, des arrêtés, vont modifier ou même transformer l’état de la société. C’est se faire une singulière illusion. Les individus qui composent un peuple vivent, grandissent ou dépérissent, non selon les institutions, mais selon les usages. Les lois et les décrets ne sont pas sans quelque importance assurément; mais les mœurs jouent dans la vie des hommes un rôle tel que le reste est à peu près effacé. Certes, les réformes politiques ne peuvent pas être dédaignées ; mais c’est surtout aux réformes morales qu’on devrait attacher du prix. On ne le fait guère cependant. On change les institutions et les hommes : on ne fait rien pour changer les mœurs. Peut-être est-ce parce qu’on sent l’impuissance de quelques individus à entraver dans son cours la force aveugle qui dirige en tel ou tel sens les destinées de tout un peuple. Cette impuissance à agir par des articles de journaux, des discours, des livres, des conférences, sur la vie morale d’une grande nation est malheureusement réelle ; toutefois il serait malheureux qu’on l’exagérât. Il est des vérités qui, lorsqu’on les répète incessamment, finissent, en dépit de l’indifférence ou de la raillerie, par faire leur chemin dans le monde et pénétrer jusque dans les plus humbles chaumières. C’est une de ces vérités que nous venons défendre ici. Elle conduit à des réformes qu’il faut avoir le courage, presque l’audace, de proposer.
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L’ACCROISSEMENT
DE
LA POPULATION FRANÇAISE